Accueil > Bonus > BONUS : panorama de l’hôtellerie en France

Temps de lecture : 20 minutes

BONUS : panorama de l’hôtellerie en France

Panorama 2024 de l’hôtellerie en France par Coach Omnium — 33e édition annuelle

UNE REPRISE CONFIRMÉE POUR L’ACTIVITÉ DE L’HÔTELLERIE FRANÇAISE

La crise du Covid — qui a duré pleinement 2 années et qui a mis à plat le tourisme et l’hôtellerie-restauration —, est bel et bien oubliée. Le volume de nuitées est judicieusement remonté en 2023 dans l’hôtellerie française, après une belle amorce déjà observée en 2022.

On retrouve les niveaux de taux d’occupation du « monde d’avant », mais parallèlement les prix s’envolent. C’est un risque pour la fréquentation future.

LE RETOUR DE LA CLIENTÈLE D’AFFAIRES

Si les années 2020 et 2021 ont été un désastre pour l’hôtellerie, avec respectivement 37,5 % et 48,4 % de taux d’occupation, selon l’Insee — le baromètre conjoncturel le plus crédible sur le marché hôtelier français —, l’année 2023 a vu la courbe d’activité se redresser fièrement.

Même si avec 61,8 % de score de fréquentation, on reste légèrement en-dessous de ceux de 2018-2019, qui avaient été respectivement à 62,5 % et 62,4 %.

• À noter que l’on est loin des 66 % à 68 % de taux d’occupation de l’hôtellerie française que l’on a pu lire ici et là émanant de baromètres hôteliers de cabinets privés. Comme chaque année, ces derniers ont sans doute eu quelques intérêts ou envies de faire plaisir pour publier de si beaux chiffres, si irréalistes…

Mais ne boudons pas notre plaisir, les choses se remettent en place pour l’activité hôtelière et c’est une bonne chose. De quoi s’éponger la sueur du front.

Avec 213 millions de nuitées hôtelières en 2023 (207 millions en 2022), nous ne sommes plus très loin du résultat de 2019 où l’on en enregistrait 215 millions. Et ce malgré les grèves, manifestations et blocages de l’année 2023, avec en corollaire une mauvaise image de la France auprès des touristes étrangers qui ont vu sur leurs écrans les amoncellements de déchets, les poubelles brûlées et les émeutes dans nos cités.

DES PRIX QUI S’ENVOLENT

Force est toutefois de constater que ce frein dans la demande hôtelière (- 2 millions de nuitées par rapport à 2019) a été largement observé dès l’été 2023, avec la clientèle des vacanciers.

Ce recul de la fréquentation est sans aucun doute à mettre en lien avec la forte hausse des prix que les hôteliers ont décidé de s’appliquer. Sur l’année complète, elle a été en moyenne de 8 % par rapport à 2022 et même de 14 % dans les grandes villes !

Mais ces moyennes lissées ne reflètent pas la situation en temps réel où, avec le yield management, les prix des chambres d’hôtels peuvent être ponctuellement multipliés par 2 jusqu’à 4, selon les périodes de forte demande, comme à Paris notamment.

Objectif ? Répercuter la lourde augmentation des charges (énergie, eau, matières premières, frais de personnel, remboursement des PGE, etc.) …et la faire payer aux clients.

Dangereuse stratégie vis-à-vis des voyageurs, car le prix est le premier critère de choix des hôtels par la clientèle française et européenne interrogée régulièrement par Coach Omnium (après la localisation).

42 % trouvent notre hôtellerie trop chère et les tarifs sont jugés passables pour 43 %. Des prix qui s’envolent ont été par conséquent suivis par un recul des taux d’occupation.

En résumé, préférer perdre des clients mais encaisser davantage tout de suite est une vue courtermiste que certains défendent avec âpreté. Surtout les groupes hôteliers qui ont des comptes à rendre à leurs actionnaires.

RETOUR DE TOUS LES SEGMENTS DE CLIENTÈLE

Pour autant, le livre de la crise sanitaire refermé, pratiquement tous les segments de clientèles ont confirmé leur retour dans les hôtels. Les voyageurs d’affaires, malgré la poursuite plus ou moins patente du télétravail et la banalisation des visioconférences, se sont remis à voyager. Rien ne remplace le présentiel et la relance économique est là pour justifier la reprise des déplacements professionnels.

Même chose pour les séminaires, conventions et congrès (MICE), libérés après les interdictions de réunions durant la pandémie liée au Covid. La dernière enquête 2024 de Coach Omnium confirme que 33 % des entreprises qui organisent des MICE ont vu leurs commandes augmenter en 2023 par rapport à 2022. Elles ont été stables/identiques pour 57 %. Seulement 10 % déclarent une baisse. Des bonnes nouvelles pour les hôteliers qui reçoivent ce public !

Il en va de mêmes des mariages qui avaient été reportés sur 2022 et 2023 et qui représentent pour certains hôtels des chambres occupées.

Enfin, la clientèle de loisirs avait été la première après la crise sanitaire à reprendre le chemin des hébergements touristiques, dont l’hôtellerie.

LES CLIENTÈLES ÉTRANGÈRES REVIENNENT…

La différence de fréquentation hôtelière par rapport à 2020 et 2021 a été marquée par le massif retour des clientèles étrangères. Représentant seulement 18 % des nuitées hôtelières en 2021, ce segment a regrimpé vers les moyennes des années pré-Covid, soit à plus de 1/3 de la demande (36,2 % des nuitées — voir graphique) ; d’où les remontées globales de taux d’occupation.

Les visiteurs étrangers fréquentent plus volontiers les établissements de milieu à haut de gamme en France.

Plus en détail, les séjours dans les hôtels en zones urbaines de province ont pesé pour 36 % du volume global de nuitées et 33 % pour l’Île-de-France.

Quant à la durée moyenne de séjour, elle reste depuis plusieurs années à 1,8 jour, dont 1,7 pour la clientèle domestique. C’est 2,4 jours à Paris. Pour des séjours plus longs, les voyageurs et touristes optent plus volontiers pour d’autres modes d’hébergement : locations de meublés, résidences de tourisme, campings, etc.

UNE BELLE ANNÉE 2024 ATTENDUE

Pour l’année 2024, si faire des prévisions chiffrées dans le tourisme est l’affaire des divinateurs et des voyantes, on peut toutefois s’estimer optimiste pour la demande hôtelière. Certes, on a déjà connu un début d’année compliqué, qui a fait perdre des voyageurs : grèves à la SNCF et surtout les violentes manifestations des agriculteurs.

Mais, tous les espoirs s’ancrent dans les JO Paris 2024 où l’on attend un monde fou, avec de probables retombées touristiques avant et après l’évènement. Il faut également compter plus à l’ouest sur le 80e Anniversaire du débarquement en Normandie, qui drainera lui aussi des visiteurs en grand nombre.

Si des nuitées additionnelles sont à attendre de ces festivités, le 100 % de taux d’occupation ne sera sans doute pas atteint, compte tenu des prix himalayens prévus par les hôteliers dans ces destinations. Lors des JO de Londres, les hôtels avaient terminé avec des scores de fréquentation inférieures à ce qu’ils réalisaient …en temps normal. Mais, certes, les tiroirs caisse avait été bien remplis.

Cette vue encore une fois à court terme des hôteliers posera le problème des avis en ligne, qui promettent d’être assassins, que déposeront les clients mécontents de se faire maltraiter pécunièrement. Voilà un risque de médiocre e-réputation qui, elle, restera durablement par rapport à des euros ponctuellement encaissés.

UN PARC HÔTELIER QUI CHANGE DE MANIÈRE ENDOGÈNE

Le parc hôtelier français s’est réduit de près de 1.000 hôtels depuis 2019, pour réunir à présent 16.722 adresses.

Les données de la Banque de France indiquaient que 279 hôtels avaient été liquidés en 2022. 30 % de moins en 2023 (donnée provisoire). C’étaient 207 en 2020 et 167 en 2021.

L’inflation dans les charges d’exploitation, mais aussi dans les coûts de construction depuis le début de la guerre en Ukraine, et les PGE à rembourser ont eu raison de beaucoup de petits hôtels.

Mais, il n’y a pas que les liquidations prononcées par les tribunaux. D’autres hôtels ont simplement fermé pour diverses causes (retraites, transformations, etc.). Et les créations d’établissements n’ont pas compensé ces pertes. Celles-ci se situent désormais essentiellement en milieux urbains, et surtout dans les grandes métropoles où le tourisme d’affaires est le plus présent et où les scores de remplissage sont les meilleurs.

Rien qu’à Paris, c’est un solde de 120 hôtels en plus depuis 2014. Mais surtout, l’on compte plus d’une centaine d’hôtels en projet ou en cours de construction dans la capitale et sa périphérie ! (voir notre Panorama de l’hôtellerie parisienne).

C’est surtout en termes de catégories que l’on assiste à des changements et à une reconfiguration interne au parc hôtelier français. En voyant les chiffres, il n’aura échappé à personne que l’hôtellerie française « monterait en gamme ». Du moins sur le papier et dans les discours. Pas forcément en termes de qualité d’offres.

On compte ainsi près de 8.400 hôtels économiques (1 à 2 étoiles) en moins depuis 2010, juste après la mise en place du nouveau classement hôtelier.

A l’inverse, le nombre de 4 et 5 étoiles s’est élevé comme les explosions de lave du volcan Eyjafjallajökull en Islande (voir graphique plus loin). On en comptait 898 en 2010 contre 2.818 établissements à ce jour.

On recense 129 de ces établissements « premium » de plus rien qu’en un an (entre 2023 et 2024) ! C’est à présent 22 % des hôtels classés, contre 5 % en 2010. Lire notre article « Des hôtels haut de gamme comme s’il en pleuvait ».

Si la capacité moyenne des hôtels français est de 39 chambres, cela monte à 66 clefs en 4 étoiles et à 60 en 5*.

DU HAUT DE GAMME COMME S’IL EN PLEUVAIT !

Le classement hôtelier matérialisé par les étoiles, mis en place en 2009 et actualisé deux fois depuis, n’impose que des critères minimalistes, d’aucun disent « au ras des pâquerettes ». Il ne demande pas d’effort particulier si l’on est un hôtelier responsable.

En allant plus loin, en respectant son référentiel à la lettre, les hôtels classés ne reverraient plus leurs clients tant ces normes sont éloignées des attentes des voyageurs que Coach Omnium interroge régulièrement.

Par exemple, en 4 étoiles, il faut des chambres pour deux personnes au minimum de 16 m2, salle de bains comprise… autant ne pas être gros et ne pas avoir de bagages… Quant aux vérifications, elles sont très discutables dans leur forme et leur process : lire notre article sur le sujet.

Le nouveau système a permis à plus de 6 hôteliers sur 10 de demander (et obtenir sans peine) une étoile supplémentaire par rapport à leur ancienne homologation. Cela s’est généralement fait sans enrichir les prestations avec l’espoir secret de pouvoir relever les tarifs. Les étoiles « new look » — qui ne prennent pas en compte les avis des vrais clients d’hôtels puisqu’aucun n’a été interrogé pour élaborer le référentiel — n’ont pour conséquence que de brouiller les pistes pour les éventuels voyageurs qui souhaiteraient encore se fier à elles.

Mais, les clients d’hôtels sont désormais peu nombreux à les prendre en considération au moment de rechercher un hôtel où se loger : 16 % (dont seulement 8 % des seniors) contre 64 % en 2008 (études Coach Omnium). Donc, le sujet n’a guère plus d’importance …sauf pour la majorité des hôteliers — à part 24 % dont l’hôtel n’est pas classé —, qui sont les seuls encore à voir dans les étoiles une valorisation ou une reconnaissance. Pas leurs clients.

74 % des clients d’hôtels européens interrogés dans les études de Coach Omnium ont le prix pour premier critère (contre 58 % en 2017), qui leur permet désormais de se faire une idée bien plus fiable que les étoiles sur la gamme des hôtels auxquels ils ont affaire.

C’est Internet qui a tout changé dans la préparation des voyages, avec ses incontournables plateformes en ligne et comparateurs, proposant d’autres informations plus réalistes et plus utiles que les étoiles. Le prix, comme critère de sélection, est complété par les avis en ligne de clients, les notations et leurs photos publiées, consultés par près de 3/4 des voyageurs avant de choisir un hébergement.

LES NON-CLASSÉS, PAS TOUJOURS CE QUE L’ON CROIT

Le classement hôtelier — qui est non obligatoire — n’a pas forcément la cote auprès de tous les hôteliers. Les non-classés en France sont près de 4.000 unités en 2024, soit presque un quart du parc hôtelier, contre à peine 1.911 en 2010. C’est à Paris que l’on trouve le plus d’hôtels arborant des étoiles, soit 89 %.

Il faut dire que d’une part, les hôteliers sont de plus en plus nombreux à savoir que les étoiles ne peuvent pas leur servir objectivement dans les ventes (voir plus haut), à part éventuellement dans le luxe. Un hôtel dynamique commercialement avec un bon produit peut trouver ses clients en affichant ou pas un classement. Les étoiles ne rapportent aucun client par elles-mêmes. Encore une fois, les voyageurs sont peu nombreux à en tenir compte ou à s’y fier.

D’autre part, beaucoup d’hôteliers avaient demandé un classement pour obtenir des subventions auprès des collectivités locales imposant souvent ce préalable. Une fois reçues, il n’y avait plus de raison de renouveler l’homologation (cela se fait tous les 5 ans).

Ce nombre d’établissements sans étoile ne correspond pas nécessairement à des hôtels n’ayant pas pu satisfaire aux nouvelles règles du classement (pourtant très réducteur en termes de critères) ou qui seraient médiocres. On y trouve de tout. À la fois des établissements qui sont en voie / attente de fermer (départ à la retraite des propriétaires, redressements judiciaires, difficultés économiques…), et qui n’entament plus aucune mise aux normes, ni rénovations. Ni demande de classement.

Et, des hôtels qui peuvent être de grande qualité qui n’ont tout simplement pas souhaité arborer les nouveaux panonceaux rouges ou qui les ont abandonnés, pour s’éviter toute contrainte. Et de nombreux hôteliers disent que devoir payer (les audits) pour être reconnu est absurde.

Cela explique que les hôtels non classés, parce que souvent en milieu rural et de petite capacité (21 chambres en moyenne) et donc peu profitables, enregistrent selon l’Insee quelques points de taux d’occupation en moins par rapport aux hôtels classés. Mais, ce n’est en aucun cas parce qu’ils n’arborent pas d’étoiles, qui ne peuvent rien pour eux commercialement !

L’HÔTELLERIE INDÉPENDANTE, FAROUCHEMENT MAJORITAIRE

L’hôtellerie indépendante — par rapport aux chaînes intégrées — est très majoritaire en France (82 % des hôtels, soit près de 14.000 unités) et même en Europe. Sans compter les franchisés des groupes hôteliers qui sont également des indépendants, mais avec un statut particulier (régi entre autres par la Loi Doubin de 1989).

Les vrais indépendants sont formés par une grande quantité d’établissements de type familial, donc généralement de petite capacité (les unités en franchises sont plus grandes).

Comme dans la plupart des pays d’Europe, la taille moyenne de ces hôtels français indépendants est (trop) réduite sur un plan économique : 26 chambres en moyenne.

Si bien sûr la clientèle aime les petits hôtels de charme pour ses week-ends, cette situation pose à la profession un problème de plus en plus imposant pour dépasser le seuil de rentabilité (charges fixes) et pour joindre les deux bouts. Surtout que les petits hôtels sont souvent situés dans des marchés faiblement à peu porteurs.

Plus on se tourne vers le milieu rural, plus les hôtels ont encore une fois des faibles scores de fréquentation et sont de petite capacité : 19 chambres en moyenne par établissement.

Or, on sait qu’en dessous de 35 à 45 chambres environ, selon les gammes (et 50 à 60 en hôtellerie super-économique), il est difficile de s’y retrouver dans ses comptes. Il existe des exceptions, mais elles sont rares. Nos études économiques sur ce thème le confirment constamment. Et la période de l’après-Covid, révèle la vraie situation économique et financière des petits hôtels…

Même si beaucoup de ceux-là sont également et parfois avant tout restaurateurs, avec une clientèle locale fidèle.

Par ailleurs, paradoxalement, plus un hôtel est grand, meilleur est généralement son taux d’occupation car, encore une fois, il peut travailler avec plusieurs segments de clientèles complémentaires (mix-clientèle élargi), dont des groupes et des séminaires, le cas échéant. Et… meilleure est sa profitabilité parce que l’hôtelier amortit mieux ses charges fixes d’exploitation, qui représentent la majorité de ses frais (entre 85 et 90 %).

Ce phénomène de la hausse des seuils de rentabilité — où les trop petites structures ne s’en sortent plus (ou mal) économiquement, situation aggravée par la hausse des salaires et des coûts d’énergie, notamment — se retrouve dans pratiquement tous les autres secteurs d’activité : commerce, agriculture, viticulture, industrie, etc.

Small n’est pas toujours beautiful.

Bien entendu, la profitabilité d’une affaire hôtelière lui permet de durer, de réinvestir, de soutenir la qualité de ses équipements et de son confort, de motiver ses exploitants, d’acheter une liberté vis-à-vis des banques… et, par conséquent, de favoriser le remplissage et la satisfaction du consommateur.

Cette petite taille de notre hôtellerie et l’insuffisant rendement des unités modestes a conduit l’offre hôtelière à accuser un sérieux retard de modernité et à imposer une prestation souvent inadaptée aux attentes de la clientèle. Cela se vérifie tous les jours dans les e-réputations. Même si la situation semble aller en s’améliorant, au moins en milieux urbains, pour les raisons déjà évoquées.

LES CHAINES HÔTELIÈRES INTÉGRÉES S’IMPOSENT TOUJOURS

Les chaînes hôtelières intégrées (les réseaux qui réunissent des filiales de groupes hôteliers et/ou des franchisés) sont toujours une force vive dans notre paysage hôtelier. Elles continuent à se développer, mais d’une manière désormais « molle » comparée à une dizaine d’années — étude exclusive de Coach Omnium sur les chaînes hôtelières intégrées (24e édition).

Si la petite centaine d’enseignes recensées par Coach Omnium lors de sa dernière enquête ne représentaient que près de 18 % du nombre d’hôtels français (soit près de 3.200 hôtels en filiales, franchises et mandats de gestion), elles réunissent 42 % du volume total de chambres (leur capacité moyenne est de 85 chambres contre 26 chez les indépendants).

Du coup, elles accueillent tout de même près d’une nuitée hôtelière sur deux.

Grâce aux plus grandes capacités de leurs hôtels, leur permettant de jouer avec un mix-clientèle large, les chaînes hôtelières intégrées bénéficient souvent de taux de remplissage supérieurs de quelques points à ceux des indépendants, selon les destinations, à hôtels comparables. Mais, ce constat est moins vrai dans les moyennes et grandes villes, dont Paris, où cet écart est bien plus faible, voire inexistant.

Les réseaux intégrés sont également en moyenne plus chers de 15 à 20 %, malgré les nombreuses promotions tarifaires appliquées selon les périodes creuses. Mais là aussi, cette différence tarifaire avec l’hôtellerie indépendante se vérifie désormais moins en agglomérations.

Enfin, pour accueillir davantage de clients, les hôtels de chaînes intégrées sont ouverts 365 jours/365, quand beaucoup d’indépendants sont saisonniers, hors des espaces urbains.

Aujourd’hui, les phénomènes de concentration s’intensifient dans l’hôtellerie, comme dans les autres secteurs d’activité économique. Les deux groupes hôteliers leaders en France — Accor et Louvre Hotels — contrôlent près de 3/4 des hôtels affiliés à des chaînes hôtelières intégrées, dont une domination sans surprise du premier, qui en fédère autour de la moitié.

On constate depuis peu de temps une recherche de rajeunissement et de remodélisation de l’hôtellerie de chaînes intégrées, qui s’inspire clairement — sans le dire — des auberges de jeunesse nouvelle génération (hostels) et d’Airbnb, pour redonner un coup de jeune à leur offre. L’entrée du lifestyle et la généralisation de la déstandardisation dans les designs marquent cette tendance pour tenter de relancer les enseignes et leur donner un nouvel attrait. Même si on constate que les concepts originaux sont souvent (mal) recopiés et dupliqués à outrance — ce qui tue l’originalité voulue au départ — et que l’innovation vient principalement des décors, parfois tape-à-l’œil ou trompe-l’œil.

Sans parler de « l’éco-responsabilité », du « tourisme durable », du « commerce équitable » (achats) ou encore de la « sobriété énergétique » mis à toutes les sauces, sans trop savoir comment cela se met vraiment en place dans les hôtels. Sinon, juste par des auto-proclamations inondant toute la communication. Greenwashing, quand tu nous tiens…

On a également vu arriver depuis ces dix dernières années des nouvelles marques aux nouveaux concepts ou orientations comme Okko Hotels, Eklo Hotels, Moxy Hotels, Mob Hotel, Curio, Garden Inn ou encore Nomad Hotel, pour n’en citer que quelque unes. En tout, ce sont près d’une trentaine de nouvelles enseignes — pas toujours très intelligibles, d’ailleurs — qui s’installent sur le territoire français, s’ajoutant à celles recensées par Coach Omnium.

Enfin, notre dernière étude sur l’e-réputation des plus grandes chaînes hôtelières intégrées en France (plus de 100 adresses) laisse apparaître un vrai problème d’appréciation par le public. Les notations des hôtels (près de 2.500 établissements pris en compte dans notre enquête) par les clients sur les principaux sites de commentaires clients sont systématiquement moyennes à carrément médiocres. Aucun réseau important ne sort du lot. En somme, on peut être connu (notoriété = aspect quantitatif) mais souffrir d’une image qui laisse à désirer (aspect qualitatif).

Il faut dire que les chaînes ont laissé nombreux de leurs établissements vieillir et le personnel souvent réduit ne compense pas la déception portée sur les produits.

La mauvaise image guette, d’autant que, plus encore que chez les indépendants, les chaînes intégrées ont donné un furieux coup de pouce à leurs prix, avec en conséquence une belle remontée du RevPar, largement vantée. Sauf que cet indicateur associant taux d’occupation et prix moyen chambre a masqué un remplissage des hôtels en retrait. En somme, les chaînes (suivis de bon nombre d’indépendants) ont perdu des clients en rehaussant fortement leurs prix.

LES RÉSEAUX VOLONTAIRES POUR LES INDÉPENDANTS

Ils se présentent sous une vingtaine d’enseignes et de labels dans l’Hexagone, qui regroupaient plus de 3.800 hôtels en 2022, dont près de 10 % environ adhèrent à deux ou à trois réseaux différents. Lire notre Panorama des chaînes hôtelières volontaires.

Plutôt déboussolées face à l’efficacité commerciale et à l’omniprésence des OTAs (agences de voyages et plateformes de réservations en ligne — voir ci-après), les chaînes hôtelières volontaires perdent massivement des adhérents. Ils étaient près de 6.500 il y a 10 ans ; c’est 42 % de moins à présent.

De plus, seule une poignée, soit 3 marques à peine, détiennent une notoriété honorable auprès des clientèles hôtelières européennes que Coach Omnium interroge régulièrement (voir notre étude sur la notoriété des chaînes hôtelières). Les autres sont inconnues et ne peuvent pas prétendre être des apporteurs d’affaires à leurs hôteliers affiliés.

LE FURIEUX IMPACT COMMERCIAL DES PLATEFORMES DE RÉSERVATIONS

L’influence extrêmement forte commercialement des agences de voyages en ligne (OTAs) et plateformes de réservations a clairement remis en question le monopole des chaînes hôtelières intégrées (en France depuis le premier Sofitel en 1964, puis Novotel en 1967) et bien sûr, a fortiori, des chaînes volontaires (voir notre analyse « Quand les OTAs discréditent le modèle commercial des chaînes hôtelières »).

Si les OTAs ne créent pas de surplus de demande hôtelière, elles répartissent naturellement les réservations et donc les nuitées hôtelières avec un bénéfice direct, plus ou moins patent, aux indépendants les mieux en vue. D’où peut-être un recul en 2022 de la part de marché des chaînes intégrées (hormis d’autres raisons) : 49 % en 2022 contre 51,7 % en 2019…

Le choix très large de l’offre d’hébergements (pas seulement en hôtels) sur ces plateformes plaît bien mieux à la clientèle que les centrales de réservations des chaînes qui n’ont fatalement qu’une panoplie plus réduite à proposer. Et ces opérateurs apportent des garanties aux voyageurs et donc les sécurisent.

Booking, par exemple, met en vitrine un catalogue de plus de 28 millions d’hébergements dans le monde, dont 475.000 hôtels, quand on en dispose en France de moins de 17.000. Cela donne une mesure de l’échelle. Plus fort encore, le site mondial dépense pas loin de 7 milliards de dollars par an pour son marketing ! Qui dit mieux ? Aucun groupe hôtelier en tous cas.

Ces chiffres vertigineux apportent la dimension de sa puissance.

Le sérieux problème des chaînes hôtelières se constate d’autant plus quand leurs centrales de réservations ne sont tout simplement pas toujours aussi sexy, ni aussi bien référencées sur les moteurs de recherche, ni aussi performantes et ergonomiques que peuvent l’être celles des OTAs, ce qui est courant.

Nos études auprès des clientèles hôtelières européennes confirment que 66 % des voyageurs utilisent occasionnellement ou régulièrement les OTAs pour réserver à l’hôtel. Ils étaient 13 % en 2009… 16 % (seulement) passent par les plateformes et centrales de réservations des chaînes hôtelières, contre 32 % en 2010.

Bref, la clientèle hôtelière aime de plus en plus des intermédiaires connus sur le Net (près de 9 voyageurs sur 10 font leurs recherches d’un hébergement sur Internet), parce qu’elle les trouve « pratiques », « efficaces », « rapides », « disposant d’un large choix d’offres » et « apportant de nombreuses promesses tenues » (citations recueillies auprès des voyageurs dans nos enquêtes).

Mais aussi parce que les sites des hôtels « ne donnent pas toujours envie », « ne rassurent pas toujours », « ne sont pas forcément très vendeurs ou séduisants » et « certains hôtels obligent à téléphoner pour réserver (leur site ne permet pas de réserver en ligne en temps réel — pas de moteur de réservations) » — citations de clients interrogés par Coach Omnium.


LA PROBLÉMATIQUE DE L’HÔTELLERIE EN FRANCE

1) – HÔTELS TROP PETITS ? Si la capacité moyenne des hôtels français est de 39 chambres (26 chambres pour les indépendants), il va de soi que cela cache une grande diversité. En réalité, les hôtels français sont encore une fois plutôt (trop) petits. 29 % des classés ont moins de 20 chambres, sans compter la majorité des près de 4.000 non-classés (22 chambres). Plus largement, 9.253 établissements classés ont moins de 50 chambres soit 72 % du parc étoilé ! Voir graphique plus haut.

Avec à peine près de 3.500 hôtels d’une jauge de plus de 50 chambres — ceux qui intéressent les chaînes intégrées — mais dont une grande partie en fait déjà partie, les réseaux qui espèrent attirer de nouveaux indépendants pour en faire des franchisés en seront pour leur frais. Il n’y a pas de réserve d’hôteliers avec suffisamment de chambres pour entrer dans leur modélisation économique. Leur seule option est de fédérer des hôtels à construire, de bonne capacité… ou de piquer des franchisés aux concurrents.

On est donc à presque 3/4 d’établissements qui ont moins de 50 chambres. Or, comme déjà expliqué, les études économiques que réalise Coach Omnium démontrent qu’avec moins de 35 à 45 chambres, selon les gammes et les localisations, il est souvent compliqué de trouver une rentabilité. Même sur un marché porteur. A l’opposé, seulement 4 % des hôtels en France ont plus de 100 chambres. A noter que près de mille hôtels se sont fait classer en ayant moins de 10 chambres, à peine.

Curiosité : les deux hôtels les plus grands en France sont l’hôtel Disney’s Newport Bay Club (1.097 chambres) et le Méridien Étoile (1.022 clefs). Les hôtels classés les plus petits n’ont que 3 chambres…

2) – SOUCIS DE RENTABILITÉ ? Près de 1 hôtel indépendant sur 2 est en déficit ou à peine en équilibre dans ses comptes, selon les enquêtes que Coach Omnium réalise. Et la crise liée au Covid a immanquablement aggravé cette situation déjà dramatique, avec un corollaire des PGE à rembourser pour la plupart des hôteliers-restaurateurs. Les liquidations judiciaires d’hôtels viennent souvent à la suite de ce constat sur la fragilité des petites unités.

3) – ISOLEMENT ? Dans l’ensemble, près de 6 hôteliers français sur 10 n’adhèrent à aucun réseau, ce qui les isole et les vulnérabilise parfois. Même si on peut désormais admettre, encore une fois, qu’en sachant bien commercialiser, fidéliser ses clients et profiter des OTAs, un professionnel peut souvent se passer d’adhérer à un réseau. L’on préfère de plus en plus payer des commissions proportionnelles pour des clients reçus et visibles, plutôt que des redevances forfaitaires à une chaîne pour un impact commercial pas toujours identifiable ni mesurable.

4) – RETARD DE MODERNITÉ DE L’OFFRE HÔTELIÈRE ? Il est dénoncé par la clientèle hôtelière (en la comparant avec l’évolution de l’habitat, le design automobile et l’immobilier de bureau), même s’il tend à s’atténuer. Les avis et notations en ligne confirment cette situation.

5) – CONTRAINTES ? Tout n’est pas seulement du fait des hôteliers eux-mêmes, la profession est également handicapée par un grand nombre de phénomènes extérieurs ou d’influences exogènes, qu’elle subit de plein fouet.

Ainsi, le système monopolistique des ventes sur le Net, les changements dans les habitudes de consommer et dans les modes de vie, l’inflation (dont les prix du carburant pour les déplacements), les fluctuations imprévisibles et incessantes du tourisme, la RTT dans les entreprises (moins de déplacements), la chasse aux notes de frais (clientèle d’affaires), les dysfonctionnements dans la concurrence, l’accès compliqué aux crédits, les conditions d’exercice (dont de nouvelles règlementations aux conséquences coûteuses et souvent non productives) et les importants prélèvements fiscaux et sociaux obligatoires,… pèsent considérablement sur les possibilités d’équilibrer les comptes de son affaire hôtelière.

Il faut ajouter à cette liste — non exhaustive — les (fortes) augmentations des salaires (dont le SMIC hôtelier), des charges d’eau-énergie et des matières premières, les difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel (phénomène qui date d’une vingtaine d’années mais rappelé de surcroît à l’occasion de la crise du Covid), le télétravail et les visioconférences qui réduisent la quantité des voyages professionnels, l’insuffisance de fonds propres, une hausse massive des coûts de créations et de rénovations hôtelières (+/- 20 % de surcoût dans les investissements), une carence dans l’innovation et dans la prise en compte de la demande…

Sans compter les crises diverses qui traversent le pays depuis ces dernières années : gilets jaunes, grèves, émeutes, manifestations, blocages, baisse du pouvoir d’achat, peur des guerres… qui impactent défavorablement directement ou indirectement l’hôtellerie.

A noter toutefois qu’Airbnb ne concurrence pas les hôtels, contrairement aux rumeurs insistantes et idées reçues. Les clients y vont pour des séjours différents (plus longs, en famille, en vacances) de ceux dans les hôtels (courts séjours). La non-concurrence entre ces deux modes d’hébergements — qui sont plutôt complémentaires — se voit clairement dans les chiffres : l’hôtellerie a globalement les mêmes taux d’occupation depuis une quinzaine d’années (en dehors de la période Covid), tandis qu’Airbnb n’a cessé de se déployer en France, 2e pays d’implantation de la marque après les États-Unis.

6) – LES PRIX DES CHAMBRES QUI S’ENVOLENT ? (et ceux des autres services aussi) Conséquence de l’inflation, mais aussi d’une envie de rattrapage des pertes dues à la période Covid de deux années, avec une remontée de la demande, les hôteliers se sont autorisés un gros coup de pouce sur leurs tarifs. Et pas seulement en périodes de forte demande. Les prix ont pu jusqu’à quadrupler à Paris à certaines occasions. Et qu’en sera-t-il lors des JO 2024 ? Depuis quelques mois, la presse se fait l’écho d’abus tarifaires…

Déjà que les clients d’hôtels interrogés régulièrement par Coach Omnium sont nombreux à trouver les hôtels (trop) chers (par rapport à ce que cela vaut ou à leur budget). Si les prix s’alourdissent, la corde risque de casser et l’image de l’hôtellerie ne devrait pas s’améliorer auprès des voyageurs, qui préféreront d’autres modes d’hébergement. Les prémices de cette situation se sont vues en 2023, avec des tarifs hôteliers en forte hausse et un recul de la fréquentation.

7) – LA CRÉATION TOUS AZIMUTS D’HÔTELS HAUT DE GAMME À LUXE ? Comme déjà expliqué plus haut, le problème est que de nombreuses créations dans ces gammes n’ont pas la clientèle pour les remplir convenablement et ne les auront jamais dans la plupart des marchés locaux concernés. Ces créations ou montées en gamme d’hôtels existants ont été souvent réalisées sans vraies études de marché ou avec des études de complaisance. Du coup, face au manque de clients, on casse les prix — pour sauver les taux d’occupation — avec pour conséquence une dégradation de la profitabilité et une concurrence déloyale envers les catégories inférieures.


Il est certain que sous les coups de boutoir de la distribution et de l’information sur le Net, une bonne professionnalisation de l’hôtellerie est en train de s’opérer, avec un avenir réservé uniquement aux plus compétents, aux plus grandes entreprises et aux hôteliers qui parviennent à s’adapter aux attentes des clientèles, en innovant.

Et surtout en sachant commercialiser leur offre, clef de voûte de la réussite en hôtellerie, avec la proposition d’un (bon) produit adapté aux clientèles. Si les chaînes les plus connues peuvent encore avoir du succès, à la condition de moderniser/rénover leurs hôtels, le cas échant, il y a bien de la place pour des hôteliers indépendants imaginatifs, volontaires et entreprenants, en étant surtout, encore une fois, de bons « commercialisateurs ».

Car, si près de 2 hôteliers de grandes villes sur 3 réalisent une commercialisation active, c’est seulement 1 sur 5 dans les autres localisations. Les autres exploitants, sont soit passifs (pas de ventes offensives, attente aléatoire des clients, site Internet peu attractif…), soit ne font pas de commercialisation.

  • Sources : Insee, Atout France, Banque de France, OMT, Coach Omnium

Mark Watkins

Un spécialiste reconnu du tourisme d’affaires, de l’hôtellerie et du marketing touristique

Ces articles pourraient vous plaire

BONUS : panorama de l’hôtellerie parisienne

APRÈS UNE BELLE ANNÉE 2023, L’HÔTELLERIE PARISIENNE ESPÈRE QUE LES JO TIENDRONT LEURS PROMESSES Étude annuelle 2024 par Coach Omnium…

Lire la suite >

BONUS : marché de l’hôtellerie 4 et 5 étoiles

DES HÔTELS HAUT DE GAMME & DE LUXE COMME S’IL EN PLEUVAIT ! Il ne se passe plus un mois…

Lire la suite >

BONUS : surcapacité hôtelière

Que se passe-t-il quand il y a surcapacité hôtelière dans une destination ? La plupart des élus et des observateurs ne…

Lire la suite >