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BONUS : tester les innovations en hôtellerie

Hôteliers : Faites-vous tester vos innovations par des clients ?

S’il est un sujet qui ne cesse de surprendre, c’est bien la rareté sinon l’absence de « testage » des changements et des innovations que l’on réalise dans les hôtels, avant de les déployer.

Le meilleur exemple est celui des chambres. Lorsqu’un hôtel, mais aussi une chaîne, met au point de nouvelles chambres (rénovation, modernisation, création), on ne les voit pour ainsi dire jamais être testées par de vrais clients. Nous parlons ici de chambres-témoins, une par type idéalement, avant de les étendre à tout l’hôtel.

A QUOI ÇA SERT DE FAIRE TESTER ?

Se rendre compte en situation réelle si l’innovation est bien conçue pour l’usage auquel elle est prévue. C’est-à-dire — pour les chambres — confortables, ergonomiques, pratiques, fonctionnelles, protégées du bruit (la nuit), bien pensées …et tout ce qui est important pour des personnes hébergées (voir notre étude sur le sujet).

Il s’agit ici de faire dormir des clients toute une nuit et de leur faire utiliser la chambre en fonctionnement normal. Ce n’est pas juste de visiter l’espace à la va-vite, qui permet seulement de se rendre compte de l’esthétique des lieux. Ce qui a un intérêt très restreint.

Il en va de même par rapport aux femmes de chambres. Leur faire analyser une ou des chambres-témoin nouvellement conçues pour le nettoyage et le rangement, pour refaire le lit, pour se mouvoir avec un aspirateur, pour pouvoir tout contrôler, etc. paraîtrait être une évidence pour être sûr de leur performance de productivité et de la qualité de leurs conditions de travail. Et pourtant…

On se souvient, par exemple, de cette chaîne hôtelière très connue qui avait installé des baignoires-douches innovantes et spacieuses, avec pare-douche de verre en forme de demi-cercle, qui se refermait autour de l’usager pour faire cabine de douche. Sauf que pour nettoyer l’intérieur de la douche (fermée), la femme de chambre devait retirer ses chaussure et y entrer. Un inconvénient gênant qui a mis fin au concept.

Même chose à propos d’un hôtel en front de mer à St-Malo, dont les façades vitrées offraient une vue magnifique sur la mer. Sauf qu’elles étaient sans cesse souillées par les embruns permanents accompagnant les marées hautes et les jours de vent. Dans sa conception, personne (l’architecte et l’hôtelier) n’avait pensé à la manière de laver la partie extérieure des baies vitrées des chambres, qui donnaient constamment l’impression que les vitres étaient sales (eau salée et grasse). On utilisa des nacelles 2 fois par an pour le lavage, mais les vitres se resalissaient aussitôt (parfois quelques heures après). Les clients s’en plaignaient sans cesse…

Or, il est fréquent que la création de nouvelles chambres se fasse juste entre l’hôtelier et, le cas échéant, le décorateur. Lequel tient rarement compte ou n’est souvent pas au fait de ce que les clients veulent ou aiment. Cela s’appelle du marketing de l’offre où l’on ne met pas le client (voire le personnel) au centre de la réflexion, quand il faudrait faire du marketing de la demande.

Les erreurs de conceptionparce qu’on n’a pas fait ces vérifications pourtant salutaires — sont courantes et peuvent représenter jusqu’à 60 % de surcoût pour avoir mal choisi des revêtements, des équipements, des aménagements, des agencements, des matériaux, etc.

Dans le test, il faudrait également idéalement tenir compte des avis selon les types de clientèles, qui ont tous, plus ou moins, des comportements de séjours et des attentes variés : voyageurs d’affaires, clients de loisirs, familles, seniors, personnes seules, en couple… mais aussi selon les nationalités. On ne contente pas une clientèle américaine (traversant plusieurs pays européens avec leurs grosses valises) comme des Français, des Chinois ou des Italiens.

Le bénéfice ? Corriger les erreurs pour ne pas les commettre dans une réalisation à grande échelle et développer ainsi un produit plus juste et plus intelligent.

Car il s’agit précisément de faire appel à l’intelligence des clients en situation d’utilisation et du personnel d’étages, confrontés au produit, au-delà du jugement du seul hôtelier ou/et du concepteur.

Pour le petit déjeuner

C’est la même chose dans une moindre mesure que pour les chambres. Quand on sait que le café, les jus de fruits, le pain et la viennoiserie sont les plus consommés des produits du petit déjeuner (voir notre Livret sur les petits déjeuners d’hôtels) et que dans un même temps ce sont aussi les plus critiqués, voilà une occasion de mettre les clients au travail.

Il suffit de prendre un échantillon de personnes volontaires et de leur faire tester à l’aveugle plusieurs gammes/offres de cafés, de jus de fruits et de viennoiseries. Il sera alors plus facile de choisir le bon fournisseur ou les produits, en connaissance de cause de ce qui est préféré. Au lieu de juste les sélectionner sur la base de leur prix d’achat. La satisfaction des clients passe par ce type de test, qui à notre connaissance, ne se fait jamais.

Site Internet

Combien de sites Internet d’hôtels ne donnent pas envie d’y réserver un séjour ? Beaucoup trop : c’est ce que disent près de 4 voyageurs sur 10 interrogés par Coach Omnium !

Maquette désolante, mauvaises photos, textes alambiqués et peu explicites, dédale pour comprendre les tarifs, manque de fluidité, impossibilité ou complexité pour réserver en ligne… la liste est souvent longue des carences et manquements sur les sites Internet hôteliers. Résultat : on perd des demandes ou dans le meilleur des cas, les clients passent par des OTAs souvent plus convaincants et rassurants. Ce qui génère des commissions à payer quand on aurait pu recevoir des réservations en direct avec un site au top.

Ne pas présenter une belle « web-vitrine » de son hôtel coûte au final très cher. Bien plus cher que le commissionnement à remettre à des intermédiaires.

COMMENT S’Y PRENDRE ?

Que votre site ait été réalisé par un professionnel ou par vous, ne change rien à l’affaire. L’opinion des utilisateurs est celle qui compte et qui sert d’arbitrage.

D’abord, il ne faut pas avoir peur d’aborder les gens pour les « recruter » pour un test. Généralement, s’ils en ont le temps, ils adorent qu’on leur demande leur avis quand c’est pour faire progresser une offre et l’améliorer. C’est un acte positif, qui est différent de la simple opinion que l’on donne à la fin d’un séjour.

Il ne faut pas non plus redouter les critiques, même si cela peut faire mal quand on s’est donné de la peine pour mettre au point une prestation.

1) – Pour faire tester la ou les chambres-témoin :

Encore faut-il en disposer. Il ne s’agit pas nécessairement de proposer un séjour gratuit aux clients testeurs (cependant tout travail mérite salaire)… Mais de les convier à essayer la nouvelle chambre et de les briefer agréablement sur ce qu’on attend d’eux dans le testage. Puis, de trouver le temps de parler avec eux le lendemain, au petit déjeuner par exemple.

On ne leur fait surtout pas remplir un questionnaire, qui serait rébarbatif et trop réducteur. Il suffit de discuter à propos de ce qui leur a plu, déplu et qu’il faudrait améliorer. Il faut diversifier les testeurs en fonction des typologies de clientèles que l’on reçoit. Attention à ne pas uniquement choisir des clients fidèles, qui sont certes plus faciles à aborder mais souvent trop conciliants, voire très indulgents.

A noter que ce ne sont pas les appréciations qui ont trait « aux goûts et aux couleurs » qui comptent (l’esthétique), mais bien celles sur les fonctions et fonctionnalités de la chambre en usage hôtelier.

Externaliser : Ce travail d’étude auprès des clients sur le site Internet peut également être confié à un cabinet / consultant qui agira en toute neutralité — tel Coach Omnium. Il organisera une table ronde de clients d’hôtels (pas forcément les vôtres, mais dans la même cible) et leur fera tester plusieurs sites, dont le vôtre. Les clients se sentiront plus libres qu’en agissant devant vous dans votre hôtel. Il en ressortira de riches et crédibles critiques, suggestions et motifs d’appréciations.

2) – Pour faire tester les produits du petit déjeuner :

Test à l’aveugle de plusieurs produits. Même approche que pour les chambres concernant la diversité de clients.

3) – Pour faire tester le site Internet :

C’est un peu plus compliqué. Soit, on questionne les clients qui ont réservé via une OTA (Booking, Expedia…) après avoir essayé sur le site de l’hôtel (identifiés par un simple questionnement anodin au check-in), soit auprès de ceux qui ont réservé en direct. Mais, il y a des chances pour qu’ils ne se souviennent pas des détails de ce qui les a satisfait et insatisfait sur le site.

Une autre méthode plus efficace, mais qui implique davantage les « testeurs » et prend plus de temps, est de leur proposer de se mettre face à un ordinateur (ou un smartphone, si le site est optimisé pour cela, ce qui est préférable) et pendant 15 à 20 minutes de les faire surfer sur le site de l’hôtel en toute liberté d’abord, pour simuler une réservation par exemple. Puis, en leur demandant de consulter les pages principales. On observe leur comportement spontané et on les questionne au fur et à mesure sur ce qu’ils perçoivent.

LA LIMITE DES AVIS CLIENTS SUR INTERNET

Si les commentaires en ligne déposés par les voyageurs sont utiles à très utiles (tant pour les autres voyageurs que pour les hôteliers), ces derniers s’expriment souvent de façon trop ciblée ou au contraire trop générale, et pas toujours claire sur une prestation ou une autre. On ne peut pas en retirer des enseignements totalement exploitables. Faire tester, c’est orienter sur un sujet précis et demander aux personnes de développer positivement leur esprit critique.

Par ailleurs, cela ne fonctionne pas quand il s’agit de sélectionner des produits de petit déjeuner ou encore pour faire des choix dans les aménagements de nouvelles chambres en projet, qui, par définition, ne sont pas encore commercialisées. Enfin, il est rare que les clients parlent spontanément des sites Internet des hôtels.

Les avis et commentaires en ligne d’après séjours sont différents des testages d’offres faits pour l’avenir de l’hôtel et ne les remplacent pas.

IDÉES REÇUES

Ce n’est pas parce qu’un nouveau concept ou une innovation ont été conçus par un grand designer, par un groupe hôtelier connu ou par un architecte réputé que cela sera forcément un succès auprès de la clientèle. On ne compte plus les bêtises — souvent irréparables — que les professionnels même expérimentés et à forte notoriété ont pu commettre en hôtellerie.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Rien à presque rien, sauf si on invite les clients testeurs à séjourner gratuitement dans la chambre à essayer, ce qui serait un joli cadeau pour les clients fidèles à qui on demande une contribution pour améliorer son offre.

En revanche, cela demande un investissement en temps et le courage de tout entendre.

De notre point de vue, le testage d’offres — par de vrais clients —, quasiment jamais pratiqué en hôtellerie, semble être un bon outil de perfectionnement et le moyen d’éviter par anticipation beaucoup d’erreurs que l’on voit trop souvent dans les hôtels.

Mark Watkins

Un spécialiste reconnu du tourisme d’affaires, de l’hôtellerie et du marketing touristique

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