BONUS : le juste-prix en hôtellerie
L’impossible juste-prix en hôtellerie |
Les hôteliers sont parmi les plus désarçonnés quand il s’agit d’organiser leur politique tarifaire. Et leur plus grande difficulté est sans doute de faire admettre le juste-prix de leur offre à leur clientèle.
Pour les uns, la solution est dans le yield management (technique qui consiste à faire évoluer les prix des chambres en fonction de la période, des cibles de clientèles et plus largement du principe de l’offre et de la demande prévisionnelle — pour peu que l’on puisse encore faire des prévisions). Sauf que le yield management est moins fait pour les clients que pour l’hôtelier… Pour d’autres, le prix se fait en fonction de ceux de leurs concurrents. Sauf que pour ces derniers, la grille tarifaire est également souvent établie en fonction de la concurrence, qui fait de même …et ainsi de suite. C’est le chien qui se mord la queue, en somme. Enfin, les plus gestionnaires ne jurent que par des tarifs qui se basent sur le prix de revient auquel ajouter une marge… sauf que peu d’hôteliers savent vraiment calculer les vrais prix de revient de leur hébergement. On en est donc réduit à se fier à une sorte d’intuition sur le prix appliqué au jour le jour, en espérant qu’il conviendra à la clientèle bien difficile à contenter sur ce registre. Internet a changé toutes les règlesCar le sujet est d’importance au moment où Internet a absolument tout bousculé dans les consciences et que la crise économique est passée par là, touchant la clientèle de loisirs tout autant que les voyageurs d’affaires. Ainsi, près de 44 % des voyageurs trouvent les hôtels français trop chers et 28 % pensent que les tarifs ont trop augmenté depuis ces dernières années, selon les dernières enquêtes de Coach Omnium auprès des consommateurs. Au-delà des prix de chambres, les clients d’hôtels sont même 44 % (comme pour les prix des chambres) à juger que ceux des petits déjeuners sont devenus bien trop élevés : « payer 14 à 18 euros pour un petit déjeuner dans un 3 étoiles, soit 30 à presque 40 euros à deux, c’est excessif ! », récolte-t-on souvent. Les hôteliers coincés par le monde concurrentiel d’Internet sont bloqués dans leurs prix de chambres ; beaucoup ont par conséquent cherché à se rattraper dans les tarifs des petits déjeuners… mais la clientèle s’en est vite aperçue. Du coup, parce qu’il faut souvent trouver un hôtel où se loger au cours d’un voyage, 2/3 des clients — devenus des chasseurs de primes ? — sont toujours à la recherche de prix hôteliers cassés ou de bons plans. Les nombreux sites comparatifs les y aident d’ailleurs, ce qui met les hôteliers dans un gros embarras. Cette perception par les voyageurs du « trop cher » désarme et révolte les hôteliers qui n’ont de cesse de penser — souvent à juste titre même s’ils ne savent pas toujours le mesurer — qu’en vendant moins cher, ils perdraient de l’argent et seraient très vite acculés au déficit. Certes, les hôtels neufs ou entièrement rénovés sont moins sujet à mécontentement sur les prix que les autres. A l’inverse, personne n’est satisfait de payer ce qu’il considérera toujours comme trop cher pour un confort minimaliste, dépassé et/ou vétuste. Mais, on se rend compte que l’avis des clients d’hôtels sur ce registre de la tarification se tient davantage par rapport au « budget/prix », c’est-à-dire ce qu’ils croient juste de dépenser pour un séjour à l’hôtel compte tenu de leur budget du moment, de leur envie de dépenser et de leur considération de l’usage qu’ils font d’un hôtel. Le rapport « qualité-prestation/prix » est par conséquent proportionnellement moins contesté. 82 % des clients d’hôtels français et étrangers sont satisfaits de notre hôtellerie (étude Coach Omnium). Autrement dit, c’est moins « ce que cela vaut » qui est remis en cause que « ce que l’on est prêt à dépenser ». Beaucoup de voyageurs qui pensent que l’hôtel est trop cher préfèrent donner la priorité à d’autres dépenses jugées plus justifiées. Plus largement et presque plus intimement, le client ne voit que ce qu’il consomme réellement à l’hôtel (usage du lit, prise d’une douche, usage de la TV, consommation d’un café-viennoiserie au petit déjeuner,…), avec le sentiment qu’on lui facture de trop, pour des équipements et produits bel et bien disponibles mais qu’il n’utilise(ra) pas, voire qui ne l’intéressent pas. Par exemple, un buffet de petits déjeuners alors qu’il ne consommera qu’une broutille… Baisser les prix, est-ce la solution idéale ?
Doit-on alors vendre moins cher pour attirer les clients ? Viendront-ils massivement grâce à cela ? Jusqu’où baisser mais aussi relever ses prix ? On en revient presque à regretter le début des années 1980 où les prix étaient bloqués pour lutter contre l’inflation. C’était quelque part plus simple et on ne se cassait pas la tête sur ce registre de la variation tarifaire. On n’en est plus là et la tarification dans le tourisme va dans tous les sens et s’est presque individualisée. Le low cost a en cela bousculé la compréhension du quidam voyageur… Au final, plus personne ne paie la même chose pour obtenir au final la même prestation ou presque. Quelques idées reçues hantent encore les esprits des hôteliers, comme par exemple celle de s’interdire de réduire ses prix, voire de faire du dumping, pour une question d’image et de standing de son établissement. Aussi noble est cette considération, ceux qui tiennent ce raisonnement finissent par avoir un hôtel vide et paradoxalement sans rentabilité. Car Internet a largement instruit et habitué les consommateurs à se retrouver face à des tarifs qui bougent constamment, à la hausse ou à la baisse, sans que l’image du commerçant concerné n’en soit désormais affectée. Évidemment, toute proportion reste vraie. Un hôtel avec des chambres à 500 € ne va pas les vendre ponctuellement à 100 €. Mais il existe pour lui une large marge de manœuvre. Il est sans doute possible de retenir que :(sources : les études qualitatives de Coach Omnium) 1 – Le prix est un contrat entre l’acheteur et le vendeur ; pour autant, on n’achète jamais un prix et à peine une prestation, mais une « solution » : un endroit où passer la nuit le plus pratique et/ou agréable possible, par exemple, ou encore « une expérience » comme on aime le rappeler (un peu de trop). 2 – Le prix est un indicateur de catégorie qui a remplacé tous les autres codes et références, dont les fameuses étoiles de l’hôtellerie. 3 – On ne peut pas expliquer la gestion d’une entreprise hôtelière à ses clients pour les aider à mieux comprendre pourquoi les tarifs sont ainsi proposés à tel ou tel niveau. Au mieux, cela ne les intéresse pas. 4 – Le prix est toujours psychologique et en aucun cas il n’est objectif. Ce qui semble contradictoire tandis qu’afficher des euros semble concret : ce qui est perçu par l’un comme normal sera ressenti par un autre comme trop élevé parce que chacun a sa propre grille de lecture basée sur son expérience d’acheteur-voyageur, son aisance financière, ses contraintes et ses priorités. C’est la raison pour laquelle il est difficile de trouver un juste-prix qui serait universellement reconnu en tant que tel par toute la clientèle. 5 – La perception des prix est fluctuante et peut changer très rapidement chez une même personne selon beaucoup de paramètres qu’elle maîtrise ou pas. Ce qui paraît bon marché aujourd’hui pourra sembler trop cher demain. Et inversement. 6 – Les prix étant désormais très ouverts dans le tourisme, sans que l’on puisse comprendre pourquoi en tant que consommateur, il est impossible de savoir ce que vaut une prestation : le fameux juste-prix encore une fois est presque impossible à déterminer. 7 – Le tarif bas peut ne pas rassurer des consommateurs et ne pas les attirer en générant une méfiance ; un prix élevé engage le prestataire vers une obligation de résultat de satisfaction totale de ses clients passant par l’excellence. Si le client a l’impression de payer cher, il doit avoir le sentiment que cela coûte également cher au prestataire auprès de qui il achète. 8 – Le prix est un élément de l’image de l’hôtel avec de surcroît le principe que les tarifs ne peuvent plus être figés. Une tarification dynamique donne la sensation d’avoir affaire à un commerçant dynamique. 9 – Un hôtel qui propose trop de prix différents selon les types de chambres, la période, le nombre d’occupants, etc. désoriente les clients. Ce qui est simple à comprendre se vend toujours plus facilement. 10 – Les clients d’affaires n’ont plus forcément plus de budget à dépenser à l’hôtel que les clients de loisirs qui paient de leur poche. Les politiques de voyages des entreprises (95 % en ont une) se sont renforcées et cherchent à limiter les dépenses, y compris pour les cadres supérieurs. 11 – Faire payer un prix unique par chambre louée quel que soit le nombre de personnes occupant la chambre est le bon choix, bien mieux compris par la clientèle que le supplément single ou la facturation du lit supplémentaire. 12 – La gratuité des enfants dans la chambre de leurs parents est devenue obligatoire dans l’esprit des familles. 13 – Les étoiles prises en compte par seulement 16 % des clients d’hôtels (8 % des seniors) ne peuvent plus donner le « la » de la tarification, d’autant que 2/3 des hôteliers qui ont demandé une étoile supplémentaire dans le nouveau classement, par rapport à l’ancien, ont cru qu’ils pourraient relever impunément leurs prix sans enrichir leur offre. 14 – Se rappeler qu’il vaut évidemment mieux louer une chambre moins cher que de ne pas la louer du tout, sachant que chaque cas de baisse de prix doit être considéré comme une exception. Une chambre laissée vide coûte pratiquement la même chose à l’hôtelier en charges fixes (majoritaires : 85 à 90 %) qu’une chambre occupée. 15 – Accorder un avantage tarifaire (ou un cadeau de type surclassement) doit toujours être exprimé au client comme une faveur ou privilège qu’on lui fait et non comme un droit dont il bénéficierait. Le mieux est de trouver un prétexte à cette « prime » et de le déclarer ainsi au client. 16 – La plupart des consommateurs oublient presque toujours le prix payé pour se souvenir de la belle qualité de la prestation (ou de sa médiocrité) et des raisons de sa satisfaction (ou de son mécontentement). Le prix est un élément volatile. 17 – Les prix hôteliers bas certains jours de la semaine ne vont pas influencer les clients et déclencher un séjour. Quand un homme d’affaires doit se rendre à Toulouse le mardi, il ne changera évidemment pas son voyage pour le lundi si l’hôtel est moins cher ce jour-là. Un prix attractif pourra faire choisir l’hôtel qui le propose au détriment de ses concurrents, mais ne provoquera pas une décision de voyage. 18 – Le yield management devient abusif et un danger pour l’hôtellerie. Quand dans certaines villes (dont Paris en premier), les tarifs peuvent aller jusqu’à quadrupler lors de salons ou d’événements attirant du monde, les clients piégés le vivent mal. Ils s’en souviendront pour ne pas plus se faire avoir lors d’un prochain séjour dans la destination. Comment établir ses prix ?• Ils doivent être fluctuants et ajustés avec souplesse aux typologies et cibles de clients, aux périodes de forte ou de basse demande et aux vraies différences significatives de chambres. Le rappeler est enfoncer une porte ouverte et pourtant… • Se baser sur les tarifs des concurrents est bien, mais cela ne doit être qu’un indicateur et surtout pas un guide. Faire le suiveur en étant par exemple systématiquement 10 % moins cher qu’un hôtel de chaîne local servant de référant ne favorise pas le marketing. • Testez vos prix selon les cibles de clients et montrez-vous extrêmement attentif à leurs réactions. Le prix est un élément du marketing de la demande et pas de celui de l’offre. Celui qui trouve une prestation trop chère ne le dira que rarement (ne serait-ce que pour ne pas paraître pingre), mais il ne reviendra plus et ira la prochaine fois ailleurs. Le bon test est par conséquent celui de la fidélisation naturelle et bien sûr des taux d’occupation. Une désertification d’un hôtel peut être le signe qu’il est trop cher ou qu’il applique des tarifs inadaptés à son offre. Le taux de captage des petits déjeuners se régit selon la même règle : un trop faible taux de captage (moins de 70 à 80 %) est souvent le signe que le petit déjeuner est jugé trop coûteux ou les chambres elles-mêmes. • Avec Internet (93 % des clients d’hôtels passent par le Net pour rechercher un hébergement ou séjourner), il est indispensable de bien maîtriser tous les tarifs qui circulent sur votre hôtel via les différents revendeurs et canaux de distribution. Il est encore fréquent que des chambres soient trouvées de 10 à 15 % moins chères sur des sites d’OTAs qu’en direct. Les clients s’en apercevront très vite, profiteront du circuit le moins coûteux et surtout auront le sentiment que l’OTA est un champion de la bonne affaire et que l’hôtelier est un profiteur ! • N’ayez pas de complexes sur vos prix. Il faut que le client finisse par l’oublier par un bel accueil (le sentiment d’être le bienvenu) et par une prestation qu’il aimera. Le prix n’est jamais une finalité, même s’il peut être un filtre. • Acceptez de baisser votre prix au fur et à mesure que la soirée avance quand il y a moins de chance de louer. Donnez la consigne à votre personnel de réception. • Adopter le principe du tarif moins élevé pour une réservation ferme associée à une clause de non remboursement en cas d’annulation est désormais accepté par la majorité des voyageurs, si on leur laisse le choix. C’est compris comme une sorte de jeu du donnant-donnant. • Si la négociation est possible (ce qui suppose d’avoir un échange avec le client), évitez tant que faire de réduire le prix affiché et optez plutôt pour le surclassement ou le petit déjeuner offert qui sont plus valorisants psychologiquement. • 7 clients sur 10 appellent encore les hôtels pour se renseigner ou réserver, tout en étant passés auparavant par le Net pour la recherche. Prenez cela comme une chance et soyez à cette occasion un bon vendeur (vous et votre personnel de réception) pour donner l’envie au client de choisir votre hôtel. Au-delà des prix, la règle absolue valable pour tout commerce et pour tout client se décline en 4 étapes. Aux 4 questions suivantes, le client doit avoir envie de répondre « OUI » :
Mark Watkins |
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