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BONUS : RevPAR hôtellerie

LE REVPAR, CET INDICATEUR OPAQUE ET TROMPEUR

Le RevPAR (Revenue Per Available Room ou revenu par chambre disponible) s’est imposé comme l’indicateur de référence des observatoires hôteliers. Mais, quand il est employé seul, il n’a à proprement parler aucun intérêt pour la compréhension de l’activité hôtelière. Mais, cela ne semble pas gêner grand monde…

Il existe plus d’une dizaine de baromètres conjoncturels macro-économiques en France, rien que sur l’hôtellerie. Ils émanent de cabinets d’études, d’institutions diverses, de cabinets de transactions immobilières ou encore de banques et crédit-bailleurs.

La presse en fait l’écho constamment, sans trop y regarder de près et sans trop chercher à comprendre. Y compris sur les méthodologies employées et sur les échantillons.

Dans beaucoup de ces observatoires trône désormais le jargonneux RevPAR, devenu l’indicateur officiel supposé fournir une idée sur la santé de la demande l’hôtelière. Il n’en devient même souvent plus que le seul, afin d’ajouter de l’opacité au système.

C’EST QUOI LE REVPAR ?

Le RevPAR masque deux informations bien importantes : le prix moyens chambre et le taux d’occupation, qui tous les deux le composent et qui se mélangent en lui.

Malgré son appellation intimidante (que c’est bon de se donner une posture scientifique), il se calcule le plus simplement du monde. On prend le prix moyen économique par chambre (soit le chiffre d’affaires HT hébergement encaissé, divisé par le nombre de chambres louées), que l’on multiplie par le taux d’occupation. Le RevPAR est par conséquent le mix entre la dépense moyenne par client en hébergement (le prix moyen chambre) et le niveau de la demande (taux d’occupation).

Exemple, un hôtel avec un prix moyen chambre de 85 € et un taux d’occupation de 52 % aura un RevPAR de 44,2 €. Ça vous parle et vous apprend quelque chose ? Il y a peu de chances que vous puissiez répondre « oui ».

En l’utilisant malgré tout, un RevPAR « balancé » seul n’a aucun intérêt. Il doit toujours être comparé dans son évolution ou avec d’autres RevPAR.

En résumé, l’évolution du RevPar est tout simplement celle du chiffre d’affaires hébergement (locations des chambres)… Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

EST-CE UTILE ?

En théorie oui, puisque l’on combine le chiffre d’affaires hébergement et le volume de chambres louées.

Mais en pratique, c’est non. Le RevPAR fausse furieusement l’appréciation de l’activité hôtelière. Ainsi, grâce à cet indicateur trompeur, un prix moyen chambre en hausse peut masquer le fait qu’un taux d’occupation soit en baisse …et inversement. Dans un RevPAR haussier, les deux peuvent également être en augmentation. On ne peut le savoir et c’est bien embêtant pour analyser la situation d’un marché entier ou seulement l’activité un hôtel.

Il est pourtant primordial d’y voir clair pour comprendre. L’information distincte sur l’évolution du prix moyen et du taux d’occupation est bien plus importante pour un hôtelier que le RevPAR, qui ne dit rien. A-t-on loué plus de chambres ou pas ? Donc, a-t-on plus de clients ou pas ? A-t-on vendu en moyenne plus cher les chambres ou pas ?

ANNONCES EN TROMPE-L’ŒIL ?

Le meilleur exemple du flou artistique imposé est celui de l’annonce victorieuse des groupes hôteliers sur l’évolution très positive de leur activité en 2023, année de confirmation de la reprise du tourisme et de l’hôtellerie.

Ils n’ont parlé que de la progression de leur RevPAR, sans autre indication, alors que l’on sait que les prix moyen chambre ont été fortement rehaussés en répercutant dans les tarifs des chambres les lourdes augmentations de charges d’exploitation (que l’on a fait payer aux clients – NDLR) : PGE à rembourser, forte inflation dans l’eau-énergie et les frais de personnel, etc.

Parallèlement, les taux d’occupation ont été en recul et ce dès l’été 2023 pour l’ensemble de l’hôtellerie. Mais, on ne dit pas. C’est pourtant plutôt préoccupant de savoir qu’il y a eu moins de clients à mettre en lien avec les sévères hausses tarifaires. Moins de clients — phénomène masqué par un RevPAR en progression —, c’est compromettre son avenir et embrouiller son monde.

HÔTELS PERÇUS COMME TROP CHERS ?

Les prix moyens chambre peuvent être le résultat des variations des tarifs affichés (hausses/baisses), des promotions ou contrats spéciaux. Or, la perception des prix par la clientèle est essentielle.

Près de 42 % des clients d’hôtels français et européens interrogés par Coach Omnium lors de notre dernière grande enquête trouvent que les prix des hôtels français sont globalement trop élevés. Seulement 15 % déclarent que les rapports qualité/prix sont bons.

Ces considérations peuvent d’ailleurs concerner soit le rapport qualité/prix habituel (c’est trop cher ou au juste-prix pour ce qui est vendu), soit le rapport budget/prix (c’est trop cher ou acceptable par rapport au budget que l’on peut ou que l’on accepte de dépenser).

Au-delà de la perception générale des tarifs, pour 74 % des clients d’hôtels, le prix est leur premier critère dans le choix d’un hôtel où séjourner. Ils étaient 58 % en 2017.

Le fait que dans certaines destinations, comme à Paris, les prix des hôtels puissent doubler, voire quadrupler, à certaines périodes (lire notre analyse sur les JO & l’hôtellerie), achève de donner une mauvaise image de cherté à l’hôtellerie auprès de la clientèle. C’est ce que nous appelons le « yield management barbare ». Dans ces tarifications en yo-yo, il y a incompréhension, car l’offre reste immanquablement la même pour des tarifs qui varient parfois très fortement. Or, ce qui ne se comprend pas, ne s’achète pas. Ce n’est donc pas bon pour le commerce durable et correspond à une stratégie à courte vue.

Quant aux taux d’occupation, il va sans dire qu’il est indispensable de les connaître, surtout dans leur évolution. Encore une fois, un hôtel qui perd des clients et qui augmente pesamment ses prix pour compenser cette érosion, aura peut-être un RevPAR en amélioration, qui du coup cachera un désastre. Un sale écran de fumée, en somme.

Exemple éclairant :

    1. Un hôtel enregistre un taux d’occupation de 62 % (plutôt fort) et un prix moyen chambre de 76 €.
    2. Un autre hôtel, positionné comme le premier, enregistre un taux d’occupation de 43 % (très faible) et un prix moyen chambre de 110 € (proche des prix affichés).

Dans les deux cas, le RevPAR sera identique, d’environ 47 €. Sauf que dans le second cas, l’hôtel aura beaucoup moins de clients ce qui peut représenter un sérieux problème pour son exploitation (et son avenir si cela dure ainsi), alors que sa rentabilité par chambre louée sera meilleure. Cette illustration sert à montrer que ce RevPAR de 47 € (pris en exemple) dissimule deux situations marketing et économiques très différentes, sous une apparence fallacieuse identique.

NAVIGUER DANS LE BROUILLARD

Si le RevPAR peut éventuellement être une information financière (l’évolution du chiffre d’affaires hébergement, à la condition que l’on apporte des comparaisons), il est mortel sur le plan marketing.

Il maquille, encore une fois, l’essentiel de ce qu’on doit savoir (prix moyen + taux d’occupation) et brouille les pistes. Ce qui peut bien arranger ceux qui l’utilisent pour communiquer sur leur activité et qui ont des choses à ne pas avouer ou pour l’observation conjoncturelle arrangée…

Cerner le fonctionnement économique de l’hôtellerie (un hôtel, des hôtels, un marché local) passe d’abord par la faculté de comprendre son activité, stimulée par la clientèle. Bien entendu, il n’y a pas que les taux d’occupation pour qu’un exploitant suive le fonctionnement de son hôtel. On tient d’autres statistiques comme le revenu global par chambre louée (tout ce qu’un client dépense sur place), la rentabilité par chambre louée (revenus – les charges d’exploitation), l’évolution du chiffre d’affaires global (tous les services compris), etc.

EN RÉSUMÉ : le prix moyen chambre et le taux d’occupation sont complémentaires et distincts l’un de l’autre. Pris à part, ils sont infiniment plus explicites que l’obscure RevPAR, qui n’aide personne à y voir clair. Cet indicateur flou équivaut à naviguer dans le brouillard sans aucun instrument de bord. Pas acceptable pour un entrepreneur.

On voit par là comme le domaine financier a pris le dessus en hôtellerie depuis ces dernières années sur le marketing hôtelier, au détriment absolu du souci des clients, et de leur adhésion à l’offre et aux tarifs hôteliers.

Mark Watkins

Un spécialiste reconnu du tourisme d’affaires, de l’hôtellerie et du marketing touristique

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