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BONUS : hôtels — ne pas oublier les clients

HÔTELLERIE : ET SI VOUS DONNIEZ (ENFIN) LA PAROLE À VOS CLIENTS ? …et en teniez compte.

Comme chez beaucoup de professionnels du tourisme, les hôteliers développent des concepts, des prestations, des décors et définissent leurs prix sans jamais interroger les clients pour qui tout cela est — en principe — fait.

Le résultat de cette négligence se voit très vite, déçoit souvent et peut coûter très cher.  

Comment réagiriez-vous si on décrétait que vous devrez porter un pull rouge vermillon à rayures jaunes tous les jours, « parce que nous avons jugé que cela vous allait bien » ? C’est pourtant ce qui se passe généralement dans l’hôtellerie en matière d’offres et de prestations.

On décide de ce qui est bon pour le client sans jamais lui demander son avis avant. C’est ce que nous appelons le « marketing de l’offre » où l’on inflige son point de vue à la clientèle au lieu du « marketing de la demande », où le client est au centre de la conception d’un produit avec lequel on cherche à lui plaire, et à s’adapter à ses envies et besoins.

MAIS PUISQU’ON LE FAIT POUR VOTRE  BIEN !

Vous nous direz que le « on le fait pour votre bien (ou votre sécurité) » est monnaie courante. C’est bien pratique pour que l’interlocuteur n’ait pas matière à discuter.

Mais, si les administrés, les automobilistes et les citoyens se voient imposer des diktats administratifs, les consommateurs ont en revanche encore le choix. Notamment celui d’acheter ou pas, d’accepter de dépenser leur bon argent (qu’ils ont eu du mal à gagner) ou pas, de choisir tel ou tel commerçant, de se fidéliser ou pas, et de donner leurs bons ou mauvais avis autour d’eux à propos d’un prestataire ou d’une prestation.

Or, dans bien des cas, on veut enfermer les consommateurs et leur retirer cette liberté qu’ils ont encore. Déjà qu’on les piste à leur insu (merci les nouvelles technologies)…

Comme dit, il existe désormais les commentaires en ligne que déposent les clients sur les sites d’avis. Ces critiques, photos déposées et notations sur le confort, le cadre, le service, l’accueil… nous aident. Mais, il s’agit de jugements à posteriori. Cela ne concerne pas ce qui est envisagé, les projets et concepts à mettre au point, à venir. Quand on ne considère pas tout bonnement les avis publiés par les clients comme des actes d’empêcheurs de tourner en rond.

Aussi, est-il très surprenant de voir les nombreux intervenants dans l’hôtellerie définir ce que les clients aiment et aimeront, sans même le savoir parce qu’ils ne les interrogent de pas à jamais. Ils ignorent tout sur eux. Les exemples de cas sont indénombrables où l’on se fiche pas mal de ce qu’attendent des gens.

Restons surpris :     

LES ÉTOILES :

Il faut quand même se remémorer que les normes de classement hôtelier de 2009 (mais avant elles c’était pareil) ont été élaborées par quelques happy fews (syndicats hôteliers, un groupe hôtelier…), dans l’entre-soi corporatiste, sans questionner un seul client d’hôtel pour déterminer les critères et les services ! Ni français, ni étranger parmi les dizaines de millions qui fréquentent notre hôtellerie. Pourtant, les étoiles sont « normalement » pour eux, les clients, en apportant « normalement » des garanties de qualité selon la gamme.

Il s’en suit des exigences minimalistes, sans ambition de qualité et d’excellence (toutes catégories confondues), faits pour rendre la vie aisée aux hôteliers mais pas à leurs clients.

Des critères ridicules aussi, avec par exemple des chambres pour 2 personnes de minimum 16 m2 en 4 étoiles, salle de bains comprise ! Nous pouvons en citer des dizaines et des dizaines comme ça puisés dans le référentiel. La majorité des obligations ou prestations facultatives sont de facto très éloignées et en-dessous de ce que les voyageurs peuvent légitimement en attendre. Et personne n’a profité de l’actualisation des normes en 2016 et en 2022 du classement pour faire un rapprochement avec la demande.

Sans compter que les étoiles sont attribuées sur la base d’une simple visite tous les 5 ans (il s’en passe des choses en 5 ans !) sans tenir compte des millions d’avis et notations que l’on trouve massivement et facilement sur Internet, publiés par les vrais clients. Ce qui fait qu’un hôtel aux étoiles flambant neuves peut être la risée de la clientèle et faire l’objet d’un rejet complet par elle.

Comme il n’y a pas davantage un numéro vert ou un site officiel pour permettre aux voyageurs de s’exprimer sur des hôtels classés. Le consommateur est quantité négligeable (et négligé), pourvu que l’hôtel remplisse la grille administrative. Les étoiles sont un faux-nez.

Heureusement que les voyageurs leur tournent le dos — et pour cause : aucune crédibilité. Ils ne sont plus que 16 % à les prendre en compte (8 % des seniors) contre 64 % en 2009 (études Coach Omnium). C’est d’ailleurs le même chose pour la foultitude de labels de qualité dans le tourisme et l’hôtellerie. Inconnus du public parce qu’on n’investit pas pour les faire connaître, ils naissent en se donnant le beau rôle de faire croire qu’ils plairont aux voyageurs, alors que personne ne lui a demandé de s’exprimer sur leurs contenus.

ARCHITECTURE ET CONFORT :

Combien d’hôtels neufs ou entièrement rénovés sont définis par des architectes (parfois des divas), des décorateurs et les hôteliers sans savoir ce que la clientèle peut vouloir ou aime trouver dans un hôtel, ni comment elle y vit vraiment le temps d’un court séjour (la moyenne des durées de séjours en hôtellerie en métropole est de 1,8 jour) ? Même chose vis-à-vis du personnel d’étages lequel pourrait pourtant donner son avis et permettre d’éviter bien des erreurs de conception, y compris pour faciliter son travail.

Ces créateurs ne se basent pas sur d’éventuelles études sur la question. Ni ne tiennent compte de ce que les voyageurs d’affaires et de loisirs évoquent sur les sites d’avis en ligne. Ce qui fait que l’on commet de nombreuses bourdes dans la définition des chambres et des services.

Des exemples ? Il y en a des masses. Le WC dans la salle de bains. Quand il est séparé, on doit parfois s’y asseoir avec les genoux contre la porte.

Ou encore — ce qui très tendance — les « créatifs » ont eu la fumeuse idée de placer une vitre non opaque pour séparer la salle de bains (dont la douche) de la chambre dans des hôtels recevant une clientèle de loisirs. Ou encore, aucune vitre du tout. La salle de bains est ainsi ouverte sur la chambre. Or, ce qu’on peut vouloir aménager chez soi ne peut souvent pas être mis dans l’hôtellerie.

Comme pour les WC, ne sait-on pas que les couples aiment souvent sauvegarder une certaine intimité ? Ce qui est moins un problème quand l’hôtel ne reçoit que des voyageurs d’affaires, qui sont généralement seuls. Mais l’hôtellerie accueille souvent ces deux clientèles et on ne sait pas d’avance qui logera de chaque chambre.

Ou encore la petite TV accrochée au mur à quelques mètres de la tête de lit et qu’on ne peut que mal regarder à cause de la distance avec l’écran. Sans parler de l’occultation ou de l’insonorisation inefficaces (le bruit est le premier motif de plainte dans un hôtel, dont celui causé par la ventilation mécanique), du manque de prises électriques (les clients ont des smartphones et/ou ordinateurs à recharger), des réglages de climatisation ou télécommandes de TV incompréhensibles, des lumières parasites (diode de veille de la TV ou autres appareils) qui gênent pour dormir, etc.

On peut y ajouter le choix de robinetteries de douches qu’il est impossible de tourner (ça glisse) …sous la douche, avec les mains mouillées et pleines de shampoing. On dirait que ceux qui équipent les salles de bains ne prennent jamais de douches ! La liste des incongruités est longue.

Enfin, combien d’hôteliers font tester des chambres témoin à des clients (mais aussi à des femmes de chambre ou gouvernantes) quand il s’agit de créer un hôtel ou de le rénover ? Quasiment aucun. Et pourtant, cela éviterait bon nombre d’équipements et agencements mal pensés, de sottises, d’anomalies et de bévues avant de lancer le chantier complet.

On préfère l’ignorance et penser que l’on a raison, sans le vérifier.

LES FONCTIONS :

Beaucoup d’hôteliers raisonnent en termes de « fonctions » à apporter à leur offre : fonction TV, fonction douche, fonction Wifi, fonction climatisation, fonction penderie, etc. Ils se persuadent alors que leur hôtel est au top du confort et du standing en proposant ces « fonctions ». Quantitativement oui, mais souvent pas qualitativement.

Dans la finalité, ce sont souvent :

  • des petits téléviseurs que l’on trouve avec peu de chaînes, médiocres en plus,
  • une Wifi poussive et qui rame, quand elle marche,
  • de l’eau chaude qui arrive quand elle veut durant les heures de pointe (quand tout le monde prend sa douche en même temps),
  • une douche dans le noir (non éclairée),
  • une penderie dans un coin sombre, sans lumière (avec des cintres antivol insupportables pour celui qui veut les utiliser),
  • une literie cheap (même dans le milieu de gamme) où l’on se réveille plus fatigué qu’en se couchant,
  • une occultation de la chambre qui laisse passer grandement la lumière (sympa en été quand il fait jour à 5H30), par transparence ou sur les côtés,
  • un éclairage blafard de salle de bains où se raser / se maquiller vous fait ressembler à la famille Adams ou encore une lumière insuffisante (intimiste ?) avec laquelle on se regarde en cherchant son visage avec les mains,
  • une commande de climatisation qui ne commande rien du tout,
  • une seule (ou à peine davantage) prise électrique pour toute la chambre, de surcroît cachée derrière un meuble,
  • Etc.

C’est là que l’on voit que le client n’a qu’à s’adapter et que l’on a pensé que tout est nickel sans se mettre à la place de celui / celle / ceux qui vont avoir à se débrouiller avec ça. C’est ce fameux décalage entre « la qualité fournie » et la « qualité perçue ».

CASSER LES CODES DE L’HÔTELLERIE :

Ah, la belle affaire ! C’est le grand mot d’ordre d’aujourd’hui. Un peu présomptueux, non ?

Tel le sauveur, le nouveau créatif enterre tout ce qui a existé (et qui avait pourtant fait ses preuves) et, dans son coin, imagine les choses autrement, voire à l’envers. L’enjeu : être dans le hideux « disruptif » systématique en se persuadant qu’on saura étonner agréablement le public. « Hey ! Pourquoi mettre encore des lits dans les chambres d’hôtels ? C’est tellement ringard et has been. » C’est remplacer la roue ronde par la roue carrée, histoire d’apporter du changement et la révolution.

Certes, on peut vouloir surprendre. Chercher à réinventer l’hôtellerie, souvent poussiéreuse, ne peut pas être mauvais. Pour autant, il vaut mieux le faire dans le bon sens et respecter les fondamentaux. Car le résultat est souvent pathétique et se présente comme du furieux délire prétentieux, fruit de brainstorming dans un bureau entre bonhommes inspirés, mais finalement à côté de la plaque. Si les auteurs de ces fantasmes s’étaient donnés du mal à sonder la clientèle hôtelière, on ne verrait pas des ratages aussi patents.

Dans le même ordre d’idée, on trouve aussi ce consultant qui conseille de choisir des noms d’hôtels en supprimant le mot « hôtel ». Ça ne doit pas être assez « new style » ou branché… Là encore, personne ne lui a dit que les clients ont besoin de savoir s’ils ont affaire à un hôtel ou à autre chose ? Car, justement, il existe un tas de modes d’hébergements (résidences, appart’hôtels, hostels, auberges, chambres d’hôtes, gîtes, etc.) qui mélangent un peu tout et où l’on se perd. Au moins, appeler un chat un chat est clair. En résumé, les casseurs de codes cassent surtout les pieds.

PETITS DÉJEUNERS :

Il est rare à très rare de voir les hôteliers faire tester par des clients les produits qu’ils intègrent aux petits déjeuners. Viennoiseries, pains, café, jus de fruits ne font pourtant pas l’unanimité, selon les différents types de personnes que l’on reçoit (étrangers selon les origines, âges, CSP, familles, voyageurs d’affaires…). Il faut interroger les consommateurs avant de choisir ce que l’on va mettre dans son offre ou quand on veut changer des produits.

Et puis, les clients veulent-ils des œufs de poules élevées en plein air ou Label Rouge ? Jusqu’à être intégrés dans les gâteaux et les viennoiseries ? Du (vrai) bio (beurre, confitures, yaourts, jambon, saumon fumé…) ? Des produits respectant le bien-être animal ? Des produits sans gluten ? Des jus de fruits sans sucre ajouté ? Des produits régionaux ? Pour le savoir, il faut le leur demander et mesurer ainsi combien ils sont à demander ces particularités très en vogue ! Et le cas échéant, il faut alors les étiqueter pour informer.

Quant aux buffets, ils sont souvent mal éclairés, mal agencés (ce qui crée inutilement des embouteillages pendant le coup de feu), mal présentés parce qu’on a d’abord un regard d’exploitant et pas d’utilisateur. Ou que l’on préfère rouler sur l’autoroute de la facilité. Négligence quand tu nous tiens… Les petits déjeuners sont souvent l’objet de réclamations par les clients et ne sont souvent vus que comme une contrainte par les hôteliers. Alors qu’ils pourraient être de vrais points forts, marquant favorablement les clients. Ce service aussi, peut être testé avant d’être lancé ou relancé.

APPLIS & TECHNOLOGIE :

Des applis pour l’hôtellerie et le tourisme, enfin pour leurs clients, faits pour être mis dans les smartphones, on en trouve des pratiques et …des nuls, dont on se demande comment et qui a pu les imaginer, tant ils ne servent à rien (merci les startups et ceux qui leur ont versé des fonds !).

On se rassure en parlant du nombre important d’applis téléchargés. Mais, il faut voir combien sont réellement utilisés ; la plupart finissent par dormir au milieu des autres, si elles ne sont pas rapidement supprimées. Selon nos enquêtes, seulement 8 % des voyageurs déclarent utiliser parfois ou régulièrement les applis liés au tourisme et à l’hôtellerie qui sont dans leur smartphone. Cela concerne les programmes de fidélité, les plateformes de réservations, l’accueil des clients (voir ci-après), etc.

Là encore, ont-elles été élaborées en se rapprochant de leurs futurs utilisateurs ? Rien n’est moins sûr quand on voit de quoi il s’agit, sans queue ni tête pour beaucoup d’entre elles ou mal fagotées.

Autre progrès, la domotique entre enfin dans l’hôtellerie. Les gens aiment bien ça et s’en équipent massivement chez eux (chez les CSP+). Commander à distance la lumière, les rideaux, les volets, la température de la chambre à partir d’une tablette, quoi de plus simple et de plus ludique. Mais, à l’usage il faut avoir la tablette à côté de soi en permanence, comme un boulet. Par exemple, pour faire varier l’éclairage de la salle de bains, on ne peut pas le faire directement sur la lampe, il faut la tablette… Encore des concepteurs qui vivent en autarcie et demandent aux voyageurs de s’adapter à leur création, au lieu du contraire.

Quant au pistage (cookies, traçage par terminaux de paiement, via téléphones portables, etc.), non seulement il ne sert souvent à rien pour en apprendre qualitativement sur les consommateurs, mais cela se fait le plus souvent contre leur gré.

L’ACCUEIL DIGITALISÉ :

« Nous avons supprimé la réception et les réceptionnistes. Nous envoyons le N° de la chambre sur smartphone avec un code d’accès aux clients quand ils arrivent » explique fièrement un primo-hôtelier, qui veut gérer son hôtel haut de gamme comme un Airbnb. Si l’on peut à la rigueur accepter cette approche dans les hôtels super-économiques (la fameuse borne à codes de Formule 1 existait dès la fin des années 1980), on voit ça de plus en plus dans les hôtels 4 étoiles.

Qui s’est inquiété de savoir si cette pratique technologique convenait à tous les voyageurs (puisqu’on l’impose alors à tous), surtout dans le milieu et le haut de gamme, quand on sait que l’aspect humain et l’accueil comptent plus que tout et de plus en plus ? Le client n’a-t-il jamais envie de poser des questions à un personnel d’accueil « humain » quand il arrive à l’hôtel ou en cours de séjour ? Il faut vraiment être dans un monde à part pour imaginer avoir trouvé LA solution. Les casseurs de codes de l’hôtellerie ont encore sévi.

Même chose pour les bornes d’accueil — le nec plus ultra de l’accueil disent leurs promoteurs — où l’on doit souvent se débrouiller avec un écran au contenu pas toujours conciliant et pas facile à comprendre. Cela peut intéresser les clients habitués, même si ceux-là aiment bien discuter avec le personnel de réception. Mais pas le tout-venant, dont les seniors.

Il faut aller chez Citizen M pour avoir les deux : des bornes avec écran, avec comme auxiliaire un personnel de réception attentif, souriant et diligent, qui vous accompagne sans attendre aux check-in et check-out. Mais, il est vrai que ces établissements sont des gros porteurs qui doivent dépoter en vitesse.

LA RÉSERVATION :

Si l’on trouve des plateformes de réservations hôtelières fluides, bien faites et utilisables sans peine — Booking ou Airbnb sont de bons exemples —, il n’en va pas toujours de mêmes de multitudes d’autres sites (hôtels, chaînes hôtelières…). Où l’on voit que leurs créateurs et hôteliers ne se mettent jamais à la place de leurs clients qui sont dans la préoccupation de trouver le bon hôtel pour leur séjour.

Ces derniers veulent pouvoir choisir facilement la chambre qui leur conviendra, réserver en ayant une réponse en temps réel, et éviter les mauvaises surprises, évidemment. On en est souvent loin, quand on ne nous demande pas de remplir un formulaire avant de connaître le prix du séjour. Irrecevable.

Ensuite, quel client avouera être ravi de recevoir de nombreux mails et SMS (à J-8, J-4, J-2, le jour même de la date de séjour) de confirmations, de consignes, de publicités et même des newsletters non sollicitées ? Sans compter qu’à peine arrivé à l’hôtel, on lui adresse un texto — alors qu’il est encore dans l’ascenseur avec sa valise pour se rendre à la chambre — afin de lui demander comment s’est passé le check-in. Sans oublier l’incontournable harcèlement pour qu’il donne ensuite son avis sur le séjour.

Ce n’est pas parce que la technologie des CRM permet d’en mettre plein la vue, qu’il faut tomber dans cet excès, bien repoussant pour la majorité des destinataires. Un client d’hôtel peut vite fait se détourner d’un hôtel qui en fait trop dans ce domaine.

Et puis c’est quoi ce « stress marketing » que l’on nous impose de manière généralisée « plus que 2 chambres de ce type », sous-entendu : dépêchez-vous de réserver ! C’est prendre les consommateurs pour des moutons, rien de moins.

Enfin, quand on vous demande de remplir un formulaire à la réservation, que l’établissement est informatisé et que l’on s’est déjà rendu plusieurs fois dans le même hôtel, il y a un couac quand le réceptionniste vous demande « êtes-vous déjà venu chez nous ? ». À quoi toutes ces procédures servent-elles si on s’en sert mal ?

Même chose quand on adhère à un programme de fidélité et où il faut rappeler à chaque fois soi-même son statut de client « fidélisé ».

LA VENGEANCE CONTRE LES CLIENTS :

Les hôteliers détestent les OTAs (plateformes de réservations en ligne), c’est de notoriété publique. Mais 91 % travaillent quand même avec Booking et/ou ses concurrents (sondages Coach Omnium), tant ils sont incontournables si l’on veut espérer remplir à minima son établissement. Les professionnels aimeraient beaucoup que les clients réservent en direct auprès d’eux.

Mais, d’une part les OTAs sont des champions de la vente en ligne et leurs utilisateurs les apprécient vraiment. D’autre part, les sites des hôtels sont souvent introuvables (mal référencés), ne donnent pas envie (mal mis en valeur, peu vendeurs, vides d’informations) et dans 17 % des cas n’ont pas de moteur de réservation. Aussi, cherche-t-on régulièrement à désavouer les clients de faire le mauvais choix (« vous comprenez, nous payons de lourdes commissions à Booking »). Quand on ne se venge pas en refilant les mauvaises chambres aux clients qui ont réservé via une OTA.

Mettre les clients en porte-à-faux, les culpabiliser et laver son linge sale devant eux (les conflits entre les OTAs et les hôteliers ne regardent pas les consommateurs et surtout ne les intéressent pas) n’a jamais été la bonne démarche pour se donner une bonne image.

LES PRIX À GRANDE VARIABILITÉ :

Les tarifs flexibles, c’est devenu à la mode dans le tourisme. Le principe est que si vous acceptez de payer plus cher la chambre, vous pouvez annuler sans frais (mais pas toujours à tout moment). Si vous optez pour le moins cher, adieu le remboursement si vous devez annuler.

On fait mine de laisser le choix aux clients, on les responsabilise même ; mais, qui peut savoir s’il n’aura pas à annuler un séjour réservé, à cause de nombreux impondérables (maladie, panne de voiture, accident, vol annulé, grèves surprises dans les transports, etc.) ? C’est donc la loterie où l’hôtelier est finalement gagnant à tous les coups. Pas ses clients, qui ne sont pas dupes, mais se sentent dupés.

L’autre grand truc de l’hôtellerie, dont en premier les chaînes, c’est le fameux « yield management ». Les prix des chambres varient au jour le jour, selon la période (offre/demande) et d’autres critères. Ils peuvent aller du simple au double, voire au triple et même au quadruple comme à Paris durant certains grands salons ou événements. Et on ne perle pas de la période des JO 2024 ! Il faut vraiment se moquer des clients pour s’adonner à de telles pratiques abusives, avec finalement pas mal de retours de bâton pour l’hôtelier.

1) – En premier, les clients ne savent plus ce que vaut vraiment une chambre d’hôtel, ce qui contribue à ce que 76 % des voyageurs français et européens trouvent que l’hôtellerie française est trop chère (études Coach Omnium). Plus pervers, on ne sait pas quel est le juste-prix d’une chambre d’hôtel, combien ça vaut vraiment.

2) – En second, les clients pensent que le prix qu’ils voient en recherchant un hôtel est le prix habituellement appliqué. Quand c’est celui qui est le plus haut, comment savoir que ce n’est pas toujours le cas, puisque les tarifs sont donnés date par date, à la demande, et non via un tableau où l’on verrait les variations sur un calendrier.

3) – En troisième, les clients ne comprennent pas ce qui justifie de telles culbutes tarifaires pour la même chambre, qui elle ne change pas quel que soit le prix de vente (même pas un petit cadeau pour compenser ?).

4) – En quatrième, il ne faut pas s’étonner que des clients se vengent, confrontés à ce hold-up par le prix, le cas échéant, en publiant par la suite des commentaires assassins sur Internet. Aussi, quitte à s’adonner à cette politique tarifaire « barbare » (comme nous disent des voyageurs), il manque d’expliquer au public pourquoi c’est plus cher à telle ou telle période en le justifiant — tenue d’un gros salon, forte demande durant les vacances scolaires (mer ou montagne), grand événement (Roland-Garros à Paris, par exemple), etc. — Cela ne change rien à l’affaire, mais au moins on discute…

Dans tous les cas, le yield management est une approche « tiroir-caisse » qui ne se préoccupe pas de la perception des clients. Par-là, on ne raisonne aucunement sur le long terme. Comme si hériter de mauvais retours — qui resteront longtemps sur les sites de commentaires en ligne, à la vue de tout le monde — à cause du prix jugé exagéré ou injustifié, n’avait pas d’importance et était gommé par le bénéfice immédiat que l’on en retire…

LES HAUSSES TARIFAIRES DUES À LA CRISE :

Après le Covid qui a mis à plat le tourisme et l’hôtellerie durant plus ou moins 2 années, et à présent avec l’inflation en corollaire de la guerre russo-ukrainienne, la profession hôtelière (ainsi que la restauration) a fortement augmenté ses tarifs. On peut le comprendre : les charges subissent de significatives hausses (salaires, eau-énergie, matières premières, etc.). Sans compter les PGE (Prêt Garanti par l’État), octroyés pendant le confinement, et qui sont à rembourser.

Mais, cet appel du tiroir-caisse s’est invité sans tenir compte des clients, qui ne sont jamais cités. Vous direz qu’ils n’ont qu’à pas aller dans les hôtels et les restaurants. Ignorer qu’eux-mêmes, les particuliers comme les entreprises, souffrent de cette crise économique, c’est plonger son pied dans de l’acide en croyant que c’est de l’eau tiède. Quand il y a des difficultés dans la profession, il est coutumier d’annoncer que la solution la plus simple est de faire payer les clients.


COMMENT EN ARRIVE-T-ON LÀ ? EN 12 POINTS DE VUE

Beaucoup de ces négligences — ne jamais interroger les consommateurs pour mettre au point et concevoir une offre — peuvent aisément s’expliquer par un grand nombre de raisons :

  1. On pense savoir ce que les clients veulent, mais personne ne le vérifie concrètement et professionnellement.
  2. « On a du métier, donc on sait ». Toutefois, le monde bouge et nul n’a la science infuse. Il est plus confortable (et rapide) d’imaginer ce que les gens aiment et apprécient plutôt que de le leur demander. Il est plus facile de croire dans son coin que de réfléchir avec les personnes concernées. Il n’y a plus qu’à allumer un cierge en priant pour que ce qu’on a à vendre plaira…
  3. « On n’ose pas déranger les gens ». Mais, non ! Au contraire. Les clients adorent qu’on leur demande leur opinion et apprécient de participer à l’élaboration de nouveaux concepts et offres !
  4. C’est plus facile de contraindre les clients de s’adapter à son offre et à ses règles, que l’inverse. Reste à savoir si cela les fera venir et surtout revenir…
  5. « Cela coûte trop cher ». Pas si cher que cela. Faire tester une chambre témoin ou se faire aider à la sélection de produits de petits déjeuners (ou autres) peut se faire auprès de seulement plusieurs dizaines de personnes, heureuses d’être sollicitées. Cependant, en effet, organiser des tables rondes de clients ou un sondage peuvent revenir plus cher. Pour autant, cela vaut généralement le coût et le coup — notamment à l’échelle d’une chaîne hôtelière — pour éviter de faire des erreurs que l’on paiera bien plus cher plus tard.
  6. « Cela prend trop de temps ». Oui, mais c’est reculer pour mieux sauter et s’éviter de perdre du temps par la suite à cause des clients mécontents, frustrés ou qui fuient.
  7. « On ne pense pas qu’une étude puisse être utile ». Encore faut-il adapter l’étude à la question posée — c’est un travail de pro — pour concevoir un produit, une prestation, un hôtel, etc. Et en accepter les réponses. Souvent les consommateurs ne savent pas ce qu’ils veulent, mais la plupart savent ce qu’ils ne veulent pas. C’est déjà une avancée qui peut servir de guide. Autant s’interdire aussi les études de complaisance, avec des réponses attendues, si l’on veut être en phase avec la vérité.
  8. « Tout le monde le fait dans la profession, alors nous le faisons aussi ». Quand ce sont de mauvaises idées, qu’il s’agit de pratiques mal vues par les consommateurs, copier les erreurs des concurrents peut laisser perplexe.
  9. L’ignorance, tout simplement, et la non remise en question de ses certitudes. « On a toujours fait comme ça ; pourquoi changer ? ».
  10. La tête dans le sable : on ne veut pas voir la réalité en face et l’on a peur que les clients — que par mégarde on interrogerait — aient un autre avis sur ce qu’il faut faire, ne soient pas d’accord avec nos projets.
  11. Éduquer la clientèle : c’est la prendre un peu pour des neuneus, non ? On ne donne pas à boire à un âne (justement) qui n’a pas soif et quelle prétention dictatoriale de penser que l’on parviendra à faire changer les gens parce que cela nous arrange bien.
  12. « Ce ne sont pas des professionnels ». Et alors ? Ce sont des consommateurs qui ont souvent une longue expérience des hôtels et qui savent ce qui peut leur convenir ou pas, ce qui est juste ou pas, ce qui peut plaire ou pas. De même, pas besoin d’être cuisinier pour juger d’une bonne (ou d’une mauvaise) cuisine !

TOUT POUR LE CONSOMMATEUR MAIS SANS JAMAIS LUI DEMANDER SON AVIS

Pourtant, lorsque nous interrogeons les voyageurs dans le cadre des nombreux sondages et études que Coach Omnium réalise depuis sa création en 1991, on se rend compte qu’ils sont totalement raisonnables dans leur perception et dans leurs attentes vis-à-vis de l’hôtellerie. Ils ne demandent pas la lune et n’écrivent pas une lettre au Père Noël. Ils veulent juste un bon rapport qualité/prix et une prestation qui tienne ses promesses : bon accueil souriant, propreté, que tout fonctionne et que l’on retienne l’hôtel comme un endroit où l’on aurait franchement envie de revenir.

Pour l’instant, comme pour les miracles, tout le monde en hôtellerie parle des consommateurs mais beaucoup ne les ont jamais vus. Ou plutôt, on ne leur parle pas et on ne les écoute pas. On ne se met jamais à leur place !

Il y a peu de secteurs marchands qui tiennent aussi peu compte de leurs clients. À force de proposer des « expériences » à toutes les sauces, on comprend que ce qui est proposé n’est pas encore au point.

Mark Watkins

Un spécialiste reconnu du tourisme d’affaires, de l’hôtellerie et du marketing touristique

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