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BONUS : comprendre les marchés hôteliers

UNE BONNE ÉTUDE DE MARCHÉ, SINON RIEN

Création de nouveaux hôtels, extensions d’hôtels existants, reprises… pour ne pas se tromper, il faut au préalable étudier le marché hôtelier de la ville ou de la destination… et le comprendre. C’est même ce qu’exigent les banques pour prêter des fonds / entrer dans un tour de table, et les institutionnels pour accorder des aides / subventions.

Peu d’investisseurs ou porteurs de projets le font sérieusement et se contentent soit de quelques données parcellaires cueillies sur Internet, soit d’études pas toujours fiables et complètes faites par des cabinets, des junior entreprises, des CCI ou des consultants indépendants. Ces derniers, de surcroît, ne sont pas toujours connaisseurs de l’hôtellerie et du tourisme.

Les erreurs et préjugés les plus courants dans la compréhension d’un marché :

  • « Cela n’existe pas, donc on peut le créer »

Pas d’hôtel de luxe ? Pas d’hôtel de grande capacité ? Pas d’hôtel de chaîne ? Une étude bien faite peut dire si ce postulat du « cela manque » est justifié. Mais, si cela n’existe pas, c’est peut-être qu’il y a des raisons. Il est possible qu’il n’y a pas de clientèle pour ça ou autre chose encore. Tout simplement : cela se vérifie.

  • « Les taux d’occupation de la ville sont bons, donc on peut y aller »

Peut-être et si oui, sur quelle période ? Mais pas forcément dans la gamme voulue, surtout haut de gamme / luxe. La clientèle (affaires, loisirs) bel et bien présente, peut cependant préférer les hôtels à tarifs abordables et ne pas accepter de payer le juste-prix pour du plus cher. Un marché hôtelier est rarement monolithique.

  • « Mon projet est meilleur que ce qui existe déjà. Les autres sont mauvais. Je vais faire un malheur ! »

Soit. Mais bon courage si le projet — aussi sexy soit-il — est mal positionné sur le marché, trop coûteux pour se rentabiliser ou mal géré à terme. Sans oublier la réactivité des concurrents. S’ils s’étaient peut-être assoupis sur leur offre, ils vont finir par se réveiller, moderniser leur hôtel et relancer la machine commerciale pour ne pas perdre des parts de marché. L’avantage de la nouveauté ne dure qu’un temps.

  • « Mettre une enseigne de chaîne internationale fera venir des touristes étrangers »

On a le droit de rêver. Mais, un hôtel de crée pas la demande (contrairement à ce qu’on lit souvent sur le sujet). Les voyageurs choisissent d’abord une destination pour ce qu’ils ont à y faire (culture, affaires, visites…) et optent ensuite pour un hôtel. Si la demande en clientèle internationale est faible à inexistante, elle ne viendra pas davantage parce qu’on ouvre un hôtel à notoriété internationale. Quant aux chaînes, à part quelques raretés qui détiennent une forte notoriété, elles ont été déshabillées et clairement discréditées commercialement par les agences de voyages en ligne (OTAs) depuis ces dernières années.

  • « Le maire et les élus sont d’accord et motivés »

A-t-on déjà vu un Conseil municipal se montrer rétif à la création de nouveaux hôtels dans sa ville, d’autant plus s’ils sont inscrits dans du haut de gamme / luxe ? On ne veut plus que ça. Mais, encore une fois, un hôtel ne fait pas venir par lui-même des touristes d’affaires / loisirs. Quand les élus mettront eux-mêmes (à titre personnel) de l’argent dans des projets, on pourra en reparler. En attendant, leur intérêt — surtout politique — n’est pas un gage de profitabilité pour un investisseur, car les élus n’y connaissent souvent rien en tourisme et en hôtellerie. Et le marché n’est peut-être pas porteur, malgré leurs dires. On a ainsi vu beaucoup d’hôtels déposer le bilan par imprudence quant à la réalité du marché.

  • « Le terrain n’est pas cher »

Tant mieux. Mais cela ne suffit pas à s’assurer que l’hôtel va marcher sur cet emplacement et y trouver sa clientèle.

  • « C’est un nouveau quartier en devenir »

Pourquoi pas. Mais, est-ce une garantie suffisante pour s’assurer qu’un hôtel attirera là une clientèle ?

  • « Il manque des hôtels »

C’est bien ce qu’on entend le plus souvent dire pour justifier de la création de nouveaux hôtels. Mais, cela peut n’être vrai que pendant quelques semaines ou courtes périodes par an. Par exemple, en station balnéaire durant l’été, 2 à 3 jours par semaine quand la clientèle d’affaires est présente dans une agglomération, pendant quelques jours pendant 8 mois de congrès / salon dans une ville, etc. Le « il manque des hôtels » est donc à analyser avec minutie avant de se lancer dans une nouvelle création, qui pourrait être difficile à rentabiliser quand il y a des longues périodes de vache maigre dans l’année.

Les grandes caractéristiques et problématiques d’un marché hôtelier :

On trouve schématiquement 3 cas de figures principaux en matière de marchés hôteliers :

1) – Marché sain : les taux d’occupation et les prix moyens chambre (PMC) des hôtels sont hauts : la demande est forte et les prix peuvent suivre. Mais, cela peut être réel seulement sur certaines périodes (comme dit plus haut) et/ou dans certaines catégories. Pas forcément pour les hôtels les plus chers, à partir du milieu de gamme ou supérieur.

2) – Marché malsain : les taux d’occupation sont forts, mais les prix moyens chambre sont bas : les hôtels cassent leurs prix (dumping tarifaire) pour obtenir de bons scores de remplissage. Il peut s’en suivre un effet domino où les gammes inférieures sont parasitées par les gammes supérieures qui attirent par des tarifs avantageux. Il est désormais fréquent que de grandes agglomérations soient dotées de beaucoup trop d’hôtels haut de gamme qui n’ont pas les prix moyens chambre qu’ils devraient. Les clients ne sont pas suffisamment présents pour payer le juste-prix.

3) – Marché non porteur : les taux d’occupation comme les prix moyens chambre sont bas. Ils ont pu être hauts à une époque et puis cela a changé pour diverses raisons. Il n’y a pas assez de demande, avec en corollaire une surcapacité hôtelière. Du coup les tarifs des hôtels plongent et il n’y a pas (plus) assez de clients. Il s’en suit évidemment des problèmes de rentabilité, d’e-réputation et de vieillissement de l’offre, faisant fuir encore plus vite les voyageurs.

Il est enfin rare que des marchés hôteliers aient des prix moyens chambre élevés pour des taux d’occupation bas.

Plus généralement, l’idéal est un marché qui a une bonne ou forte demande en clientèle d’affaires, qui vient presque toute l’année, complétée par une clientèle de loisirs. C’est le cas, par exemple, à Paris, qui a une hôtellerie qui caracole à des scores de remplissage et des prix mirobolants. Quand il n’y a majoritairement qu’une clientèle d’affaires (les hôtels sont vides durant les week-ends), les hôtels adaptés à cette cible peuvent s’en sortir.

C’est moins vrai lorsqu’il n’y a pas ou peu de clientèle d’affaires et seulement une clientèle de loisirs. C’est pourquoi les hôtels urbains fonctionnent, sans surprise, globalement mieux que les hôtels à la campagne.


C’est quoi une bonne étude de marché pour un hôtel ?

Il y a des règles avec un minimum d’informations qu’il faut collecter, mais aussi étudier et comprendre :

  • Nombres et qualité des hôtels existants,
  • Projets annoncés / connus et nombre de fermetures récentes d’hôtels dans la destination,
  • Niveau de prix par gammes, politiques et variations tarifaires pratiquées,
  • Taux d’occupation par gammes et prix moyens chambres (*) sur un échantillon représentatif, durées moyennes de séjours,
  • L’origine de la clientèle, typologies (affaires / loisirs, français / étrangers et nationalités,…),
  • Enquêter auprès d’entreprises, de tour opérateurs, d’agences, etc. pour cerner la demande insatisfaite et les habitudes de consommation (par exemple, quels hôtels sont les plus demandés et pourquoi ? Quels types d’hôtels manquent et pourquoi ?),
  • L’environnement socio-économique, dont le tissu d’entreprises (quelle est leur nature ?), pouvant être génératrices de nuitées,
  • Les qualités d’accessibilité de la destination et du site du projet hôtelier,
  • La restauration, l’offre en séminaires et en groupes, la demande en MICE, les autres formes d’hébergement, etc. — le cas échéant,
  • La promotion touristique par les collectivités,
  • Liste non limitative, en fonction de la nature du projet.

(*) On oubliera très vite le RevPAR, qui est une supercherie et un indicateur qui non seulement ne sert à rien ; mais qui brouille les pistes : lire notre article sur le sujet.

Plus globalement, une étude de marché en hôtellerie n’est pas juste une collecte de données, que n’importe quel stagiaire ou débutant peut faire. C’est un travail professionnel qui apporte des analyses, des explications et des recommandations de positionnement sur le marché. Quelques chiffres ne font pas une étude.


Coach Omnium est spécialiste des études de marchés / faisabilité d’hôtels et autres hébergements touristiques, depuis 1991. Voir nos offres.

Mark Watkins

Un spécialiste reconnu du tourisme d’affaires, de l’hôtellerie et du marketing touristique

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