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BONUS : idées reçues sur les chaînes hôtelières

15 IDÉES REÇUES sur les CHAÎNES HÔTELIÈRES INTÉGRÉES

C’est quoi une chaîne hôtelière intégrée ? Il existe près d’une centaine d’enseignes présentes en France pour un peu moins de 3.200 hôtels. Cela comprend des filiales, des hôtels gérés sous contrat de gestion ou encore des franchisés. Le plus souvent ces trois statuts sont mélangés au sein d’un même réseau, même si cela varie en fonction des marques et des gammes. On trouve moins de franchises dans les catégories super-économiques.

La chaîne intégrée impose plus ou moins de contraintes à ses affiliés, mais c’est peut-être le prix à payer pour obtenir un impact commercial majeur espéré. Les taux d’occupation des réseaux intégrés peuvent être supérieurs à ceux des indépendants de quelques points à établissement comparable. Mais, c’est moins vrai dans les grandes villes. Leurs prix sont souvent plus élevés de 15 à 25 %, surtout depuis l’après-Covid.

Si en France, les chaînes intégrées ne représentent que 18 % du parc classé, elles contrôlent près d’une nuitée hôtelière sur deux, en raison de la capacité plus élevée de leurs hôtels (80 chambres contre 26 chez les indépendants), d’une ouverture 365 jours / 365 quand beaucoup d’indépendants sont saisonniers et de l’implantation dans des marchés où le tourisme d’affaires est majoritaire.

Parallèlement, il existe une vingtaine de chaînes hôtelières volontaires, composées uniquement d’indépendants, non concernées par cette analyse.

1) – Les chaînes sont innovantes et progressistes

OUI, mais ce n’est pas toujours réussi. Ce ne sont pas les seules, mais elles ont tendance en matière d’hôtellerie à être à la pointe pour chercher, avec leurs fournisseurs, des nouveautés dans le domaine de l’accueil, du confort, des petits déjeuners et de la technologie. Ce n’est pas pour autant toujours un succès comme par exemple cette baignoire-douche impossible à nettoyer correctement, des chambres pour ado ou pour enfants gâtés qui ne les intéressent pas plus que ça, des services aux voisins qui font des flops, des clubs de fidélité usines à gaz dans l’insuccès, les bornes de check-in/check-out ou encore la restauration qui déçoit le plus souvent depuis des décennies.

2) – Les hôtels de chaînes sont modernisés

OUI et NON, on parlera plutôt de rénovations. Malgré la conception de nouvelles chambres généralement bien pensées mais qui finissent par toutes se ressembler et tomber dans l’uniformité, on constate que seulement entre 30 % et 70 % des hôtels de chaînes — en fonction des enseignes — ont été rénovés significativement avec ou sans ces nouvelles chambres. Leur parc vieillit considérablement, ce qui se voit dans les avis des clients. Contre toute attente, si le retard de modernité se retrouve certes chez les indépendants, ce phénomène est également bien localisé dans les chaînes !

3) – Les hôtels de chaînes sont standardisés

DE MOINS EN MOINS. Si c’est encore le cas pour la plupart des réseaux super-économiques et économiques, la tendance est à l’intégration d’hôtels différents les uns des autres, moins pour personnaliser que pour pouvoir plus facilement recruter des affiliés parmi les hôteliers indépendants. La standardisation de l’offre physique devient petit à petit du passé, justifiée autrefois par la possibilité de réduire les prix de revient en l’industrialisant. Ce n’est plus obligatoire aujourd’hui avec les nouvelles méthodes de fabrication. Les normes des chaînes se retrouvent ainsi plutôt dans le service et les procédures que dans le produit hôtelier, même s’il y a un fort cousinage entre hôtels d’un même réseau.

4) – Les hôtels de chaînes sont rentables

OUI, PLUTÔT. Avec une capacité moyenne en France de près de 80 chambres, des prix et des taux d’occupation souvent supérieurs à ceux des indépendants (parce que situés sur des marchés de moyennes et grandes villes), les hôtels de chaînes sont globalement plutôt rentables : 95 % (contre seulement 46 % pour les indépendants) atteignent ou dépassent leur seuil de rentabilité. Les hôtels de chaînes travaillent presque toujours avec la clientèle d’affaires, dont les séminaires à partir du milieu de gamme, et parfois selon les emplacements en complément avec une clientèle de loisirs, ce qui leur assure un mix-clientèle large et un bon score de remplissage.

5) – Les réseaux sont rentables

OUI et NON. En fait, cela dépend des réseaux. Il faut un minimum estimé à environ 150 unités pour qu’une chaîne intégrée puisse trouver une vraie rentabilité en tant que réseau. Elle a à couvrir des frais fixes de plus en plus lourds pour exister, notamment avec la méga croissance d’Internet, et ses exigences et contraintes. La tentation qui est la leur est par conséquent de réduire les frais de fonctionnement et de limiter les coûteux moyens commerciaux et promotionnels. Or, de très nombreuses nouvelles marques ont été créées depuis ces dernières années par les grands groupes hôteliers. On ne comprend pas toujours leur positionnement, ni leur raison d’être si ce n’est pour attirer non pas plus de clients (pour qui ces marques sont inconnues), mais plus de franchisés en diversifiant les concepts. Lire notre analyse sur ce phénomène

6) – Les chaînes se développent activement

NON, PLUS MAINTENANT. Malgré les communiqués incessants des uns et des autres annonçant qu’ils vont ouvrir à tour de bras de nombreuses nouvelles adresses (les patrons des réseaux concernés oublient d’indiquer que des hôtels — parfois nombreux — les ont quittés dans le même temps), les chaînes intégrées stagnent dans leur développement depuis une dizaine d’années à un volume proche des 3.000 hôtels en France. Leur développement se fait à présent surtout à l’international pour celles qui en ont les moyens. Si elles n’investissent quasiment plus dans des filiales, leur orientation vers la franchise ne fonctionne factuellement pas si bien que voulu ; il leur faut trouver des hôtels bien placés et en bon état, suffisamment grands (mais peu sont disponibles — lire notre Panorama de l’hôtellerie française) ainsi que des franchisés motivés et solides, ce qui n’est pas forcément très aisé sur le terrain.

7) – Les chaînes veulent faire disparaître les indépendants

NON. Évidemment, si elles pouvaient travailler sans concurrence, ce serait le rêve pour elles comme pour tout commerçant… Mais les chaînes sont surtout focalisées sur elles-mêmes et vivent en autarcie dans l’entre-soi de leur microcosme. Elle fonctionnent en s’observant mutuellement à la jumelle comme du temps de la guerre des tranchées, sans vraiment regarder ce que font les hôtels indépendants qu’elles considèrent aujourd’hui encore comme quantité négligeable ou comme étant dans un autre monde sans égal avec ce qu’elles représentent d’important. L’influence des OTAs et de l’Internet commence à leur donner de plus en plus tort sur ce registre…

8) – Les chaînes font la pluie et le beau temps  

OUI. Ou plutôt quelques groupes hôteliers qui donnent le « la » en matière de politiques tarifaires ou d’innovations, aussitôt suivis par leurs concurrents. Mais, ces opérateurs sont également très écoutés par les pouvoirs publics en matière de réglementation, de réformes et de taxations, même si sur ce dernier point on ne leur donne pas toujours raison. Toutefois, elles commencent à trouver leur maître : une concurrence commerciale — en principe, leur domaine de prédilection — qui a détrôné leur situation hégémonique, que sont les OTAs, dont Booking en tête de liste.

9) – Les clients d’hôtels préfèrent les chaînes

NON, bien moins qu’avant. La dichotomie dans ce registre entre chaînes hôtelières intégrées et indépendants est beaucoup moins vraie que par un passé encore récent. Aujourd’hui 1 client d’hôtel sur 5 déclare préférer les chaînes hôtelières contre 6 sur 10 il y a encore 5 ans. C’est Internet et surtout les OTAs qui proposent un grand choix d’hôtels de toutes sortes aux consommateurs qui en sont la cause. Elles ont changé la donne. Les agences de voyages en ligne apportent des garanties aux clients sur les indépendants et rassurent, ce que seules les chaînes (et le guide Michelin, notamment) pouvaient offrir auparavant. Du coup, même la clientèle d’affaires qui était surtout monopolisée par les chaînes, se tournent vers les autres hébergeurs. Par ailleurs, si 65 % des voyageurs finalisent leurs réservations sur les plateformes des OTAs, seulement 16 % le font sur les centrales de réservations des chaînes hôtelières. Enfin, l’e-réputation des plus grosses chaînes hôtelières intégrées laisse à désirer, avec des notations allant de moyens à médiocre (lire notre étude sur le sujet).

10) – Les chaînes sont de bons « commercialisateurs »

NON, on ne peut plus dire cela. Elles l’étaient bien davantage avant l’arrivée époustouflante, encore une fois, des OTAs. Au-delà d’Internet, la commercialisation des réseaux sur le terrain, le cas échéant, se résume de plus en plus à une prospection et un suivi commercial uniquement dirigés vers les grands comptes, délaissant ainsi toute la masse des PME-PMI qui génèrent pourtant beaucoup de nuitées d’hébergement. Par ailleurs, la forte notoriété des chaînes intégrées, celle qui fait vendre, est limitée à une poignée d’opérateurs. A peine une quinzaine d’enseignes intégrées et volontaires sur plus de 120 présentes en France dépassent 40 % de notoriété globale (assistée + spontanée) auprès des clients d’hôtels. Enfin, quand on fait une recherche d’hôtel par mots-clefs via Google (premier moteur de recherche en Europe), les grandes chaînes sont paradoxalement très mal placées dans les réponses (sauf une), donc étrangement mal référencées sur Google.

11) – Les chaînes n’ont pas peur des OTAs

EUH…NON ! Les OTAs leur font bel et bien peur, malgré les messages qui se veulent rassurants que leurs patrons tentent de faire passer régulièrement. Les agences de voyages en ligne sont de redoutables acteurs hôteliers car, très actives, dotées de gros moyens promotionnels et inventives, elles montrent au public un catalogue bien plus large et diversifié d’offres que n’importe quel groupe hôtelier ne pourra jamais proposer, tout en apportant des garanties aux clients. Booking, à lui seul, investit annuellement près de 7 milliards de dollars pour son marketing, très loin au-dessus de ce que les grands groupes hôteliers peuvent ou acceptent de dépenser. C’est la revanche indirecte des indépendants. Ce sont moins les commissions à payer qui inquiètent les chaînes — qui obtiennent des pourcentages avantageux — que leur perte de crédibilité commerciale face à l’efficacité incroyable des OTAs. Sachant que 9 voyageurs sur 10 font leurs recherchent d’hôtels sur le Net. Enfin, le fait que les hôtels de chaînes sont notés comme tout établissement sur les sites d’avis de consommateurs, à la vue de tout le monde, est perçu par elles comme intrusif et leur retire une partie de leur légitimité sur les contrôles de la qualité de leur réseau.  

12) – Les chaînes ont une logique financière et industrielle

OUI, assurément.bien qu’elles s’en défendent en insistant sur le fait qu’elles sont d’abord des professionnels de l’hôtellerie. Et pourtant leur stratégie, leur politique tarifaire, leur développement, leurs calculs de rentabilité, leur gestion sociale et plus globalement leur marketing sont dictés au bénéfice de leurs principaux actionnaires, dont des fonds d’investissement et des opérateurs internationaux, avec une logique furieusement court-termiste inscrite dans leur ADN. La conséquence de cette situation se voit par les clients eux-mêmes : des hôtels pas suffisamment rénovés/modernisés, des prix qui s’envolent et de toute façon exagérés, une politique commerciale qui manque de souplesse et d’adaptabilité.

13) – Les programmes de fidélité des chaînes sont un succès

NON. A peine 18 % des clients d’hôtels ont au moins une carte de fidélité de chaîne dans leur portefeuille, alors qu’ils sont plus du double à potentiellement pouvoir en demander une, car ils fréquentent suffisamment souvent l’hôtellerie (plus de 4 nuitées par mois : clientèle d’affaires). Et encore, sur ces porteurs de cartes de fidélité (ou inscrits à un ou des programmes de fidélisation en hôtellerie), 1 sur 2 déclare les utiliser seulement de temps en temps, voire jamais ! Les programmes de fidélisation sont peut-être un must pour récompenser les gros consommateurs, mais leur succès est loin d’être acté et les clients leur reprochent fréquemment un côté « usine à gaz ».

14) – Les chambres des hôtels de chaînes sont chères

OUI. Près de 3 clients d’hôtels sur 4 trouvent que les prix des hôtels de chaînes sont trop élevés, soit par rapport à leur budget, soit par rapport au rapport qualité/prix proposé, soit les deux. C’est surtout la généralisation d’un yield management débridé qui déchaîne la perception de cherté. On voit des hôtels de chaînes doubler, voire même tripler ou quadrupler leurs prix à certaines périodes, ce qui produit fatalement une incompréhension chez les clients et favorise un rejet. Depuis 2022, le résultat de l’augmentation tarifaire exagérée est un recul observé des taux d’occupation. Or, il est quand même préoccupant de perdre des clients… Les tarifs des petits déjeuners, qui ont subi une grosse inflation depuis ces dernières années, sont également davantage critiqués à partir du milieu de gamme.

15) – Les chaînes proposent un ascenseur social

OUI, mais bien moins qu’autrefois. C’était davantage le cas lorsque les chaînes se développaient à tout va. On a ainsi vu des professionnels devenir directeur d’hôtel à 25 ans. Avec le tassement de la croissance du parc hôtelier, il s’en suit un blocage des carrières. Cependant, un jeune qui s’accroche, travailleur, débrouillard, qui accepte les mutations et qui est talentueux, peut toujours espérer progresser dans les chaînes. Si les conditions de travail y sont globalement plutôt bonnes, comparées à celles que l’on trouve chez d’autres acteurs du secteur, les salaires restent minimalistes et peu motivants, même pour les postes à responsabilité. Les chaînes autant que les indépendants ont du mal à trouver et à garder leur personnel.

Mark Watkins

Un spécialiste reconnu du tourisme d’affaires, de l’hôtellerie et du marketing touristique

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