BONUS : économies d’eau dans les hôtels
LES ÉCONOMISEURS D’EAU À L’HÔTEL …N’ÉCONOMISERAIENT RIEN
La recherche d’économies d’eau dans les chambres d’hôtels conduit à des solutions techniques qui, contrairement à ce que l’on croit, douchent les espoirs de réduire les volumes d’eau (chauffée) consommées. On vous en dit plus, étude de chercheurs à l’appui.
On n’apprendra à personne que les coûts d’eau-énergie ont magistralement explosé depuis 2022. En France, nous consommons en moyenne 148 litres d’eau par personne et par jour, dont 39 % pour notre hygiène (soit 57 litres environ), selon l’Ademe.
Le prix moyen global de l’eau en France devrait atteindre 4,80 € par m3 pour les ménages en 2024, soit + 5 % en un an. Il était de 3,92 € en 2014, soit une hausse de 22 % en 10 ans, avec une accélération depuis 2021. Cependant, des disparités existent selon les territoires. En 2023, un tiers des 10.526 organes de gestion de l’eau en France ont augmenté leurs tarifs de 5 à 50 %.
L’hôtellerie se sent la première concernée ne serait-ce qu’au travers de ses salles de bains laissées (heureusement) en libre utilisation par ses clients. Après s’être mis en tête de sensibiliser et même de chercher à « éduquer » (sic) les clients sur les économies à faire lors de leurs séjours à l’hôtel (oui, ce sont notamment les chevalets ou petites étiquettes de consignes collées sur les miroirs des salles de bains), les hôteliers pistent toutes sortes de solutions techniques auprès des fournisseurs pour parvenir à un maximum d’économies sur ce poste de l’eau-énergie.
LES DÉCEVANTS COMPORTEMENTS DES CLIENTS D’HÔTELS
Toutes les tentatives pour que les clients des hôtels fassent attention au gaspillage sont globalement des échecs. Car si les gens sont nombreux à veiller au grain chez eux parce que cela concerne en premier chef leur portefeuille, à l’hôtel c’est autre chose.
Dès lors où le prix de la chambre reste identique quelle que soit la consommation que l’on fait de l’eau et des énergies (chauffage, climatisation, éclairage, appareils…) et en prenant en compte que de plus en plus de voyageurs trouvent les hôtels chers à trop chers (42 %), les clients d’hôtels n’ont aucune raison de jouer les économes. Ils n’ont rien à y gagner.
Même si une minorité ont une conscience écologique et l’appliquent partout où ils vont, les autres voyageurs disent clairement que ce n’est pas à eux de faire le travail anti-gaspi au bénéfice de l’hôtelier. Que c’est à lui de faire ce qu’il faut avec les moyens techniques idoines.
UNE INCITATION PÉCUNIAIRE
Face aux clients d’hôtels qui consomment de l’eau et de l’énergie sans compter, la chaîne hôtelière Nomad propose de réduire de 1 € la facture des clients qui consomment moins de 50 litres d’eau par jour et par personne dans leur chambre.
Elle fait d’ailleurs la même chose, avec des montants différents, pour ceux qui ne veulent pas de ménage et de changement de serviettes (en recouche), pas de TV, pas de climatisation, etc. Pour l’eau, les occupants des chambres peuvent suivre leur consommation directement depuis la tablette tactile de leur chambre.
On ne sait pas si cette approche est vraiment efficace — notamment avec une réduction de seulement 1 € pour l’eau, les chambres étant à moins de 80 € en moyenne — mais elle a le mérite de rendre concrètement sensible à la cause. On pourrait penser également que prendre une douche ne coûte que 1 €, ce qui est en-dessous de la réalité. Mais, l’initiative est intéressante.
LE PROBLÈME DE L’HÔTELIER
Comme ils ne réussissent pas à changer les comportements de leurs clients pour obtenir des économies, les hébergeurs prennent le taureau par les cornes.
Certains ont déjà opté pour la baisse des températures dans les chambres en hiver, voire la limitation de la climatisation en été. De quoi se récolter de vilaines notations et d’assassins avis en ligne des clients sur les plateformes du Net. Ensuite, c’est la déconnexion centralisée des lumières en quittant la chambre, qui n’est en revanche pas gênante, sauf quand cela coupe le chauffage (bonjour la température hivernale en rentrant !).
Mais, c’est surtout la recherche d’économies d’eau qui correspond à la grande croisade d’aujourd’hui des hôteliers. Et avec elle, encore une fois, l’énergie pour la chauffer.
Pour ce faire, on supprime de plus en plus les baignoires jusque dans le haut de gamme (le luxe conserve les deux dans ses salles de bains). Un bain, c’est de 150 à 175 litres d’eau, contre 35 à 65 litres pour une douche. Bien vu, puisque 84 % des clients d’hôtels déclarent préférer prendre des douches lorsqu’ils sont à l’hôtel.
C’est d’ailleurs ce qu’ils font également chez eux, où les baignoires chutent de près de 22 % dans l’équipement de l’habitat depuis 3 ans au profit des douches à l’italienne, qui sont en vedettes.
RÉDUCTEURS DE DÉBIT D’EAU
Mais, cela ne saurait suffire pour satisfaire les exploitants d’hôtels toujours en quête de réductions de coûts.
En dehors de la chaîne Nomad, les solutions apportées se font à l’insu des clients : les douches se voient généralement équipées de pommeaux à réduction de consommation qui vont limiter le débit de l’eau dans le dessein de diminuer la quantité utilisée. Leur fonctionnement consiste à disperser l’eau sous forme de fines gouttelettes, ce qui donne l’impression qu’il y a la même quantité d’eau et la même pression. Mais, ce n’est pas le cas.
Ce dispositif permettrait d’économiser en moyenne 50 % à 75 % d’eau — rien que ça — avancent les fabricants !
UNE ÉTUDE CASSE LES IDÉES REÇUES
Mais, les jolis contes sont là pour être contrariés. L’université du Surrey (Sud-Est de l’Angleterre), a conduit des investigations sur l’usage des douches qui ont fait l’objet d’une prépublication scientifique (Géo – mars 2024).
Après avoir collecté des données en lien avec 86.000 douches individuelles, les chercheurs ont constaté que leur durée moyenne s’élevait à 6,7 minutes. Par ailleurs, la moitié des personnes dont la douche a été analysée restaient entre 3,3 et 8,8 minutes sous l’eau.
« Nous avons exclu [de notre étude] toutes les douches de plus d’une heure, mais croyez-moi, il y en a eu », a fait savoir Ian Walker, coauteur de ces travaux et professeur de psychologie environnementale à l’université de Swansea.
L’équipe, après avoir associé la durée de chaque douche avec le débit de l’eau, a été en mesure de calculer la quantité d’eau dépensée chaque fois.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord, ils ont découvert que les douches à pression élevée conduisaient à une consommation d’eau plus modérée.
Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que bien que les douches à faible débit fournissent moins d’eau à la minute que celles à haut débit, ces dernières entraînaient une consommation inférieure, car les personnes avaient tendance à les interrompre plus tôt.
« Les douches à haute pression étaient nettement plus courtes et consommaient donc moins d’eau. La question à laquelle il faudra répondre, c’est : pourquoi sont-elles plus courtes ? s’est demandé le chercheur. « Est-ce parce que la personne se rince plus vite et plus efficacement ? Est-ce parce que cela procure le sentiment d’être propre plus rapidement ? »
LE RÔLE JOUÉ PAR LA MINUTERIE
Au cours de leurs recherches, les universitaires ont remarqué que les douches à haute pression, et qui disposent par ailleurs d’un système de minuterie visible par le « doucheur », utilisaient en moyenne 17 litres d’eau. À l’inverse, les douches à basse pression et sans minuterie consommaient près de 61 litres d’eau. « Une minuterie intelligente a permis de réduire la consommation d’eau jusqu’à 53 % avec des pressions d’eau moyennes ».
Mais, en hôtellerie, cette option de la minuterie dans la douche risque de doucher les espoirs et d’être vaine. Car contrairement à ce que les particuliers peuvent faire chez eux, en étant sensibles à leur budget, les clients d’hôtels, encore une fois, ne s’en préoccupent pas puisqu’ils paient la même chose quelle que soit leur consommation dans la chambre. Leur installer une minuterie les laisseraient, dans leur majorité, totalement indifférents.
En résumé, avec une forte pression, les douches durent moins longtemps et consomment paradoxalement moins d’eau qu’en faible débit. Cela ne peut que remettre en question ce que l’on croyait jusqu’ici.
LES WC AUSSI
Dès les années 1970 (première grande crise du pétrole), on a connu la belle époque où les hôteliers radins mettaient une brique dans leur chasse d’eau pour limiter la quantité d’eau tirée à chaque usage du WC. On parlait de « la chasse au gaspi », comme si c’était un animal nuisible.
Aujourd’hui, on place des réducteurs de volumes avec au choix un petit et un gros bouton sur lesquels appuyer. Mais, même avec ce système, le choix a été fait de diminuer le débit. Cela a pour conséquence négative d’inciter l’utilisateur à déclencher plusieurs fois la chasse d’eau pour évacuer (les grosses commissions), ce qui arriverait moins avec plus de pression. De quoi annuler toute quête d’économies.
Les économiseurs qui réduisent la pression de l’eau, comme pour les douches, sont donc des fausses bonnes idées.
Mark Watkins
Sources Ademe, Veolia, The Gardian, 60 Millions de consommateurs, Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR).
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